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Page d'essai
Source :
Encyclopédie de l'Art
Le Livre de Poche
195FF

TIEPOLO


"Apparition
de l'ange
à Sarah"
Tiepolo Giambattista (Venise 1696-Madrid 1770) peintre et graveur italien. Il commence à travailler dans l'atelier de Gregorio Lazzarini et dut s'en détacher rapidement puisque, dès 1717, son nom apparaît dans la confrérie des peintres vénitiens. Ses peintures de jeunesse - depuis le Sacrifice d'Isaac (1716, église de l'Ospedaletto), sa première oeuvre publique, et la Répudiation d'Agar (1719, Coll. Rasini, Milan) jusqu'à la Madone du Carmel (1720-22, Brera, Milan) et le Martyre de saint Barthélemy (1722-23, San Stae, Venise) - sont caractérisées par une gamme chromatique enflammée, des coupes dans le rythme de la composition et de violents contrastes d'ombres et de lumières semblables à ceux des oeuvres contemporaines de Piazzetta. Les fresques représentant le Pouvoir de l'éloquence dans le palais Sandi (1724-25) et l'Apothéose de sainte Thérèse dans l'église des Scalzi à Venise (1724-25), premières grandes oeuvres de l'artiste dans le domaine de la décoration illusionniste de grands espaces, précèdent de quelques années le chef-d'oeuvre de la jeunesse de Tiepolo : cycle de l'archevêché d'Udine (1726-28) représentant les Histoires bibliques (galerie du deuxième étage) et la Chute des anges rebelles (plafond du grand escalier). Au soudain éclaircissement des couleurs dans des gammes tendres et lumineuses, correspond une liberté et une aisance plus grandes dans la composition spatiale et dans interprétation iconographique des scènes représentées. Suivant l'exemple de Sebastiano Ricci, Tiepolo se tourna progressivement vers l'étude des grandes toiles et des fresques de Véronèse, en reprenant la complexité harmonieuse de la composition et l'intensité lumineuse de la gamme chromatique. La reprise de la manière de Véronèse est particulièrement évidente dans les fresques milanaises de 1731 (scènes mythologiques du palais Archinto, détruites en 1943, et Histoires de Scipion, Sophosnibe et Massinissa du palais Dugnani, dont les cadres sculptés, élégamment ornés de volutes et de festons, témoignent de son extraordinaire goût du décor) et dans celles de la chapelle Colleoni à Bergame (1732-33) et de la villa Loschi, Biron de Vicence (1734).

La transformation du langage de l'artiste se fait moins rapidement dans les peintures sur toile ; celle-ci advient aux alentours de 1735. On note alors la richesse exceptionnelle de l'orchestration chromatique et des éléments inventifs de la composition dans les fresques, les retables et les scènes mythologiques : Madone entourée de saints (Art Institut, Chicago ; église des Gesuati, Venise), l'Immaculée conception (Pin., Vicence), Saint Clément adorant la trinité (Alte Pin., Munich), Apollon et Daphné (Louvre, Paris), Danaé et Jupiter (Université, Stockholm). Tiepolo exécuta aussi à cette période les fresques du plafond de l'église des Gesuati (1737-39), les théâtrales Scènes de la Passion à Sant'Alvise à Venise (1738-40) et les immenses toiles représentant les Histoires bibliques dans l'église paroissiale Verolanuova (1738-40).

Avec la très vaste fresque représentant le Char du Soleil sur le plafond du salon du palais Clerici à Milan (1740), un des plus grands témoignages de l'imagination décorative et de la virtuosité illusionniste de Tiepolo, s'ouvre une décennie d'intense activité : peintures du plafond de la Scuola dei Carmini (1740-44) ; Miracle de la sainte maison de Lorette (1743-44, détruite en 1915) dans l'église de Scalzi à Venise ; fresques de villa Cordellina à Montecchio Maggiore (1743) représentant le Triomphe de la Force et de la Prudence, la Famille de Darius face à Alexandre et la Magnanimité de Scipion, nettement inspiré de Véronèse dans le faste spectaculaire de la composition comme le sont aussi les Scènes de la vie d'Antoine et Cléopâtre du palais Labia à Venise (1747-50). L'oeuvre de Tiepolo témoigne ici de liens étroits, qui se vérifiait déjà dans la fresque des Scalzi et dans d'autres oeuvres, avec celle du grand portraitiste G. Mengozzi Colonna.

En décembre 1750, l'artiste s'établit avec ses fils Giandomenico et Lorenzo à Würzburg, où il resta près de trois ans au service du prince évêque Carl Phillipp van Greiffenklau, décorant sa somptueuse résidence construite par l'architecte B. Neumann et peignant des oeuvres sur chevalet durant les mois d'hiver. Les fresques de la Résidence de Würzburg (1751-53 : plafond et murs de la Kaisersaal ; plafond de l'escalier d'honneur) représentant des thèmes historiques, allégoriques et mythologiques au service de la célébration éclatante de l'empereur Frédéric Barberousse, de l'évêque Arold et du commanditaire, sont animées par la forte vitalité des compositions, par l'intensité et la splendeur des accords et des contrastes chromatiques et par l'ardente luminosité des ciels.


"Briseis conduite à Agamemnon"

Le faste triomphal du cycle de Würzburg s'atténue dans le plafond de l'église vénitienne de la Pietà (1754-55) et surtout dans les fresques de villa Valmarana près de Vicence (1757), où Tiepolo représenta dans un style plus intime et plus chaleureux les aventures sentimentales tirées de poèmes épiques et chevaleresques, en en donnant une interprétation d'une grande délicatesse. Dans les années qui suivirent, l'artiste exécuta des oeuvres importantes : décoration de plusieurs salles du palais Rezzonico à Venise ; Assomption sur le plafond de l'oratoire de la Purità à Udine ; Apothéose de la famille Pisani dans la villa Nazionale de Strà. Il partit peu après pour Madrid (1762) où il passa ses dernières années au service de Charles III qui lui commanda les fresques du Palais Royal (1762-66) : Gloire d'Espagne sur le plafond de la salle du TrĂ´ne ; Apothéose de la monarchie espagnole dans une autre salle et apothéose d'Enée dans la salle de la Garde. Pour ce travail d'une exceptionnelle solennité, Tiepolo ne renouvela pas les inventions heureuses des époques antérieures mais sut créer des oeuvres tout à fait dignes de sa renommée de " peintre universel ".


"Portrait d'Antonio Riccobono"

Si les grands cycles de fresques constituent la partie central de l'oeuvre de Tiepolo, on retient également de son intense activité - outre les nombreuses toiles à sujet religieux ou profanes, ses très beaux portraits et les figures isolées, pour la plupart réalisés après 1745 (portrait d'Antonio Riccobono, Acc. dei Concordi, Rovigo ; portrait du Procurateur, Pin. Querini Stampalia, Venise ; Tête de vieillard, Fine Arts Gallery, San Diego ; Jeune Homme au perroquet, Ashmolean Museum, Oxford ; Jeune homme à la mandoline, Institute of Arts, Detroit) - les ébauches et les dessins d'une surprenante vivacité, les élégantes eaux-fortes des Caprices, réalisées vers 1740 mais publiées plus tard par Zanetti et celles postérieures des Scherzi. L'oeuvre de Tiepolo suscita dès le début l'enthousiasme de ses contemporains et sa renommée s'étendit rapidement dans toute l'Europe du XVIIIe siècle. Suivirent les réserves des néo-classiques et des romantiques, rachetées au XXe siècle par la pleine reconnaissance de la grandeur de l'artiste et de sa position de protagoniste dans la culture du XVIIIe siècle.
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