L'Europe revoit sa croissance à la baisse,

la BCE renforce sa "vigilance" sur l'inflation

LE MONDE | 07.10.05 | 14h08  •  Mis à jour le 07.10.05 | 14h08

BRUXELLES et FRANCFORT de nos correspondants

 
L'envolée des prix du pétrole, qui alimente les tensions inflationnistes tout en fragilisant la reprise économique, complique la tâche des autorités de la zone euro. Soumis à cette pression contradictoire, les gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE), réunis exceptionnellement à Athènes jeudi 6 octobre, ont laissé sans surprise leur principal taux d'intérêt directeur inchangé, à 2 %, pour le vingt-huitième mois consécutif.

D'après la BCE, les taux "restent toujours appropriés" , en dépit des "pressions renouvelées à la hausse" sur les prix qui sont dues "principalement" à la flambée des prix du pétrole. Mais "il est clair que nous avons renforcé notre message de vigilance" en matière de prix, a indiqué son président, Jean-Claude Trichet. L'option d'une hausse des taux d'intérêt a d'ailleurs été discutée jeudi, a précisé M. Trichet. "Nous avons discuté des pour et des contre d'une hausse de taux et avons décidé de laisser les taux inchangés", a expliqué le président de la BCE , précisant que les gardiens monétaires n'avaient "pas discuté d'une baisse" .

La BCE se donne le temps d'examiner l'impact du pétrole sur les prix. En septembre, l'inflation a certes atteint 2,5 % dans la zone euro, mais ce chiffre pourrait être dû aux effets des deux ouragans aux Etats-Unis, qui ont entraîné des pressions sur les prix du pétrole. "Il n'y a pas d'indication que les prix du pétrole vont se modérer de façon significative dans un avenir prévisible" , estime la BCE. Mais, en dépit d'une poussée d'inflation à court terme, l'institut d'émission ne croit pas non plus à l'hypothèse d'une spirale inflationniste et table plutôt sur un déclin progressif des prix à moyen terme.

Surtout, le faible niveau de la croissance incite les gardiens monétaires à la prudence. Pour l'institut d'émission, l'activité devrait reprendre "progressivement" au cours du second semestre. Ce scénario, reconnaît-il, reste sujet à des risques de révision à la baisse, principalement en raison des prix du pétrole, des inquiétudes liées aux déséquilibres mondiaux et de la faible confiance des consommateurs.

"REGAIN D'OPTIMISME"

Comme en écho, la Commission européenne a d'ailleurs revu jeudi à la baisse ses prévisions de croissance pour cette année. A l'instar du Fonds monétaire international (FMI), elle table désormais sur une progression du produit intérieur brut (PIB) de 1,2 % en 2005 (contre 1,6 % précédemment). Après une modeste accélération au premier trimestre, l'exécutif européen constate que la croissance "a ralenti légèrement" entre avril et juin (à 0,3 %, après 0,4 %). Klaus Regling, le directeur général aux affaires économiques et monétaires, a mis en avant les "risques" que fait peser la flambée des tarifs pétroliers sur les perspectives d'activité. "Le haut niveau des prix pétroliers a pesé sur la croissance pendant la première moitié de l'année et est actuellement l'une des sources principales d'incertitude" , a-t-il dit.

Pour lui, l'investissement reste faible et la consommation est en berne, du fait là aussi "des prix plus élevés de l'énergie" . La Commission veut cependant croire à un "regain d'optimisme" pour la fin de l'année et 2006 : la progression soutenue du commerce mondial, le recul de l'euro bénéfique aux exportateurs expliquent "le rebond de confiance" perceptible dans les milieux d'affaires, a observé M. Regling.

La veille, la publication de l'indice des directeurs d'achat des services (PMI) a révélé une amélioration de la confiance dans la zone euro. Cet indice, publié par l'institut NTC Research, s'est établi à 54,7 points en septembre, contre 53,3 points en août ; un indice supérieur à 50 points traduit une expansion de l'activité. L'Allemagne, qui a vu le moral de ses chefs d'entreprise s'améliorer en septembre, connaît pour la première fois, en sept ans d'existence de l'indice PMI services, la plus forte hausse de la zone.

 

Philippe Ricard et Adrien de Tricornot
Article paru dans l'édition du 08.10.05