La Banque du Japon resserre en douceur sa politique monétaire

09/03/2006 10h54

Toshihiko Fukui, gouverneur de la Banque du Japon, lors d'une conférence de presse à Tokyo le 9 mars 2006
©AFP - Yoshikazu Tsuno

TOKYO (AFP) - Jugeant que la deuxième économie mondiale a vaincu la déflation qui la rongeait depuis huit ans, la Banque du Japon a annoncé jeudi la fin de la politique monétaire "ultra-souple" qu'elle suivait depuis 2001 et un retour en douceur à des taux d'intérêt supérieurs à zéro.

Cette décision historique, adoptée par le comité de politique monétaire de la banque centrale, à la majorité de sept voix contre une (le neuvième conseiller étant malade), a été applaudie par les marchés comme par le gouvernement japonais.

La Banque du Japon en effet apaisé la principale crainte du Premier ministre Junichiro Koizumi et des investisseurs, en annonçant que son principal taux directeur serait maintenu à zéro pour le moment.

Les analystes prédisent un retour à des taux supérieurs vers la fin 2006 ou le début 2007.

En attendant, la banque centrale commencera par éponger l'énorme excès de liquidités présent dans le circuit monétaire. Cet excédent est la conséquence de cinq ans de politique ultra-accommodante, dite d'"assouplissement quantitatif", qui consistait à faire généreusement marcher la planche à billets en vue d'offrir aux banques beaucoup plus d'argent qu'elles n'en demandaient.

Le drainage de ces fonds excédentaires devrait s'achever "dans trois mois", a précisé le gouverneur de la banque centrale, Toshihiko Fukui.

La Banque du Japon poursuivra par ailleurs "pendant un certain temps" ses achats massifs de bons du Trésor japonais, à hauteur de 1.200 milliards de yens (8,5 milliards d'euros) chaque mois, de façon à ne pas causer un choc sur le marché.

La façon extrêmement progressive dont la banque centrale compte revenir à l'orthodoxie monétaire dénote une volonté de prudence : l'"assouplissement quantitatif" ne connaissant aucun précédent dans le monde, nul ne sait vraiment quelle est la bonne façon d'y mettre fin. Une prudence unanimement saluée jeudi.

"En maintenant les taux à zéro", la Banque du Japon "a adopté une position qui rendra certaine la disparition de la déflation et continuera à soutenir financièrement l'économie", s'est félicité le numéro deux du gouvernement, Shinzo Abe.

Piéton devant un tableau des indices boursiers, le 9 mars 2006 à Tokyo
©AFP - Yoshikazu Tsuno

La bourse de Tokyo, hantée depuis plusieurs séances par la crainte d'un resserrement monétaire beaucoup plus draconien, a aussi poussé un soupir de soulagement.

L'indice Nikkei a terminé la séance de jeudi sur un rebond de 2,62%.

"Le scénario est bien meilleur que ce que prévoyait le marché", a estimé Ryuta Otsuka, de Toyo Securities, qui s'est réjoui du fait que, pour la première fois, la banque centrale a chiffré le niveau d'inflation que visera désormais sa politique monétaire.

Selon la Banque du Japon, l'évolution des prix dans le pays devrait idéalement se situer entre 0% et 2% sur un an, un taux très bas par rapport aux autres pays développés, mais qui s'explique par l'environnement faiblement inflationniste auquel sont habitués les Japonais depuis des décennies.

Le patron de la banque centrale a précisé que cette fourchette ne constituait qu'une simple indication, et non un objectif d'inflation impératif.

La Banque du Japon a expliqué l'abandon de sa souplesse monétaire par les bonnes perspectives de l'économie nippone, qui devrait connaître "une croissance soutenue" grâce aux exportations et à la reprise de la consommation intérieure.

De plus, l'écart entre l'offre et la demande tendant à se réduire et les salaires à augmenter, l'évolution des prix à la consommation devrait rester "positive" à moyen terme, a pronostiqué la banque centrale.

Selon le gouverneur Fukui, "l'économie japonaise courait le risque de sombrer dans une spirale déflationniste".