CHRONIQUE DES MARCHÉS
En 2005, la France compte emprunter 111  milliards d'euros
LE MONDE | 16.12.04

 

Le bras armé de l'Etat français dans la gestion de sa dette, l'agence France Trésor (AFT), a dévoilé, mercredi 15 décembre, le programme de financement du pays pour 2005. L'Etat compte emprunter 111 milliards d'euros sur les marchés financiers et devrait bénéficier de la baisse des taux de long terme. Fin 2003, le total de la dette négociable de l'Etat s'élevait à plus de 787 milliards.

DES BESOINS MOINS ÉLEVÉS

Le programme de financement de la France, en 2005, est presque deux fois moins élevé qu'en Allemagne, où l'Etat prévoit d'emprunter 213 milliards d'euros. Comme outre-Rhin, les besoins sont en baisse par rapport à 2004. Il y a un an, le plan présenté par la France prévoyait un montant d'emprunt de 122 milliards d'euros nets de titres à moyen et à long terme.

Ces prévisions ont été respectées : l'Etat a emprunté, en 2004, 132,4 milliards d'euros - 52,9 milliards d'obligations assimilables du Trésor (OAT) à taux fixe, 24,1 milliards d'obligations indexées sur l'inflation (OATi et OATei) et 55,4 milliards de bons à taux annuel normalisé (BTAN) - et il a racheté par anticipation 9,6 milliards d'euros de titres avant leur arrivée à échéance.

Pour l'année 2005, les émissions nettes seront réparties de la manière suivante : 10 % au moins sur les OATi et OATei, 45 % au plus sur les BTAN et 45 % au plus pour les OAT.

Comme en 2004, l'AFT se donne la possibilité d'émettre significativement plus de 10 % de son programme sous forme d'obligations indexées, si la demande le justifie, et se réserve la possibilité de réaliser un emprunt en devises étrangères. L'AFT n'exclut pas, non plus, comme en 2004, de revenir émettre des titres à taux variable, qu'elle n'a plus émis depuis avril 2001.

LES CHANTIERS DE RÉFLEXION

D'autres sujets de réflexion sont à l'étude au ministère de l'économie et des finances. D'abord, l'amélioration du marché des obligations d'Etat pour les particuliers. Ils détiennent en effet très peu d'obligations en direct, à la différence des autres pays européens.

Les particuliers ont acheté 500 millions d'euros de titres émis par le Trésor en 2004, soit environ 0,5 % des emprunts, alors que ce chiffre est de 5 % à 10 % dans d'autres pays de la zone euro. Un écart que Bertrand de Mazières, directeur général de l'AFT, explique par l'absence de comptes rémunérés en France et par le fort développement des fonds de gestion collective.

Second chantier pour 2005, la révision de la charte que le Trésor a nouée avec ses banques interlocutrices chargées de distribuer sa dette, appelées spécialistes en valeur du Trésor (SVT, au nombre de 21). L'objectif est d'intégrer dans la nouvelle sélection de ce club bancaire, qui aura lieu en début d'année 2005, des critères prenant en compte les avancées technologiques du marché.

LE PRIX DE LA DETTE

Si le Trésor français emprunte moins durant l'année 2005, il devrait bénéficier de la baisse des taux d'intérêt à long terme, et surtout profiter de conditions financières plus attrayantes que dans bon nombre d'autres pays.

Son taux d'emprunt est actuellement le moins cher de l'ensemble des pays européens. La référence - le taux d'intérêt à dix ans - est de 3,523 % en France, très proche de celle de l'Allemagne (3,526 %), mais bien moindre que celle de l'Italie (3,66 %) et celle de la Grèce (3,65 %), en proie aux soupçons sur la qualité de leurs comptes. Surtout, l'Etat français emprunte à des taux beaucoup plus intéressants que les Etats-Unis, où le rendement à dix ans s'élève à 4,07 %.

Cet écart entre les taux longs européen et américain, quasiment nul à la fin du mois de septembre, s'est nettement creusé depuis, alors que les deux taux ont pendant longtemps suivi des trajectoires parallèles. Une divergence que les professionnels expliquent par la chute du dollar.

"Les investisseurs demandent une meilleure rémunération - donc des taux d'intérêt plus élevés - pour des titres dont la monnaie a vocation à baisser, et pour compenser le fait qu'ils anticipent une inflation dans les dix prochaines années plus forte aux Etats-Unis qu'en Europe, du fait de la baisse du billet vert", analyse Antoine Brunet, stratège chez HSBC-CCF.

Interrogé sur cette différence, M. de Mazières a déclaré : "Est-ce que cette évolution est aberrante par rapport à une longue période ? Je demande à voir."

Cécile Prudhomme

 ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 17.12.04