15 décembre 2005
Mon cher...,
je t'envoie quelques réflexions socio-économiques
pour encourager ta propre réflexion.
Un débat fait rage depuis quelques années entre
les tenants d'un libéralisme sans limite, et les altermondialistes et autres
partisans d'un ordre économique différent.
Les tenants du libéralisme disent : "acheter des
chemises qui ont demandé une heure de travail au lieu de deux est un
enrichissement pour le monde." Et acheter des chemises à des gens qui
acceptent d'être payés la moitié d'autres gens pour leur travail revient au
même que la phrase précédente.
Les opposants au libéralisme disent (pour les plus
clairs d'entre eux) : "mais on détruit des communautés avec ce genre de
raisonnement."
Je suis d'accord qu'il faut raisonner en terme de
communautés : famille, village, pays... On ne peut pas parler d'économie "dans
l'absolu", il faut savoir le bien-être de quel groupe social on examine.
Ainsi l'argument : "on ne doit plus produire
nous-mêmes nos chemises, il faut quitter cette production, monter en gamme,
etc" ne tient que si, au sein du groupe social qu'on considère, on investit
dans l'éducation, la formation, l'acquisition de la maîtrise des nouvelles
productions. Dire simplement : "ceux qui produisaient des chemises chez nous,
et qui maintenant n'ont plus de travail, n'ont qu'à faire autre chose !" est
tout à fait insuffisant. C'est du reste en général la thèse de gens un peu bornés, qui n'ont
eux-mêmes jamais été confrontés au
problème de faire autre chose, car ils ont un job
protégé.
On ne peut pas raisonner sans notion de
communauté, avec un intérieur et un extérieur, des transactions internes et
aussi des transactions avec l'extérieur, des échanges, des paiements avec
l'extérieur, des promesses, des dettes : bref, de la monnaie. Ce qui vaut pour
une famille vaut pour un village, un pays. Une famille est fondamentalement
protectionniste. Un village doit l'être aussi : si on cesse d'acheter le pain
au boulanger, non seulement il faut vendre à l'extérieur pour acheter le pain
à l'extérieur (à moins de vendre peu à peu le village lui-même), mais on a
aussi sorti le boulanger du circuit économique de production, d'échange et de
consommation.
On peut marteler indéfiniment que "le libéralisme
apporte de la croissance, de la richesse, du bien-être pour tout le monde", ce n'est tout simplement pas si simple !
Ceux qui disent : "ces importations nous ruinent"
ont raison. Et ceux qui disent "il faut se moderniser, monter en gamme, cesser
de produire ceci nous-mêmes" ont raison aussi. Mais se moderniser implique de
l'éducation, de la formation, - je me répète - de l'investissement, et aussi
un consensus social, donc une communauté solidement construite et fermement
dirigée. (Pas la France...:-) )
Le Japon a pratiqué cette politique pendant des
décennies avec grand succès, avant de connaître une grave crise
socio-économique à partir de 1990, dont il sort péniblement.
La Suède semble, en Europe, le pays qui applique
le mieux ces idées.
Pour ta réflexion. Je t'embrasse,
Papa