Attaqués, les "hedge funds" renvoient M. Bébéar à ses propres pratiques

LE MONDE | 25.01.07 | 14h54

Dans une interview accordée au quotidien Les Echos, mercredi 24 janvier, Claude Bébéar, président du conseil de surveillance d'Axa, a lancé une charge contre les "hedge funds" (fonds alternatifs en français). Jugeant leur jeu "malsain", il les accuse de n'avoir trop souvent "que la spéculation en tête". Au contraire des fonds de capital investissement qui "s'intéressent à l'entreprise" et sont "globalement créateurs d'emploi".

Certes, son appel à une réglementation internationale des fonds alternatifs ou sa critique du "décalage grandissant entre l'industrie financière et le monde de l'entreprise", rejoignent les préoccupations de nombreux acteurs. Mais pour le reste, ses positions font débat chez les gérants de fonds, qui estiment qu'elles manquent singulièrement de nuances.

Le vocable "hedge fund" est aujourd'hui utilisé pour qualifier des acteurs aux comportements très divers. Leurs points communs ? Leurs gérants ne s'imposent aucune restriction contrairement aux fonds traditionnels. Ils s'autorisent en particulier la vente à découvert (vendre un titre sans le posséder) ou le recours à l'endettement.

FORTE PLUS-VALUE

A un bout du spectre, il y a certes de "super" court-termistes, qui font jusqu'à plusieurs allers-retours par jour sur les marchés.

Mais, à l'autre bout, il y a les "activistes", dont la stratégie ressemble de plus en plus à celle des fonds de capital investissement, qui rachètent des entreprises pour les revendre quelques années plus tard en espérant réaliser une forte plus-value.

Ces acteurs, qu'on ne peut plus taxer de court-termisme, acquièrent des parts significatives du capital de sociétés cotées, puis tentent d'influer sur la stratégie de leur direction pour faire monter leur cours de bourse. Quitte à rester plusieurs années au capital de leur cible. Ainsi du britannique TCI qui est présent chez Euronext (opératrice de la Bourse de Paris) depuis près d'un an et demi.

Par ailleurs, si la majorité des hedge funds restent court-termistes, et, il est vrai, peu soucieux de l'intérêt industriel des entreprises, c'est un travers partagé par la plupart des acteurs intervenant sur les marchés financiers. Y compris les fonds de capital investissement qui, depuis deux ou trois ans, font tourner de plus en plus vite leur portefeuille. Parfois, ils ne restent pas plus de deux ans dans les entreprises.

ASSOUPLISSEMENT DES RÈGLES

Enfin, les gérants de fonds alternatifs digèrent mal que l'attaque vienne d'un assureur. De fait, l'essentiel des fonds qu'ils collectent aujourd'hui provient des investisseurs institutionnels, au premier rang desquels - précisément - les compagnies d'assurance, les fonds de pension ou les caisses de retraite.

"Jusqu'au début des années 2000, les principaux souscripteurs des hedge funds étaient des particuliers fortunés. Ils ont peu à peu été remplacés par les institutionnels qui, dans un contexte où les taux d'intérêts baissaient, cherchaient des placements plus rentables. En France, les institutionnels ont placé entre 2 % et 5 % de leur encours, en direct ou via des produits à capital garanti", selon Frédéric Cézard, chez BNP Paribas. Même le régime de retraite Agirc-Arrco réfléchit à assouplir ses règles d'investissement pour permettre d'investir dans des fonds alternatifs...

Axa n'est peut-être pas, comme l'affirme M. Bébéar, un des souscripteurs les plus importants des "hedge funds". Mais il oublie de dire qu'Axa vend ce type de fonds. Certes, ce n'est pas le principal acteur sur ce créneau en France - le Crédit agricole, avec 14,5 milliards d'euros sous gestion est leader - mais la compagnie d'assurance gère tout de même un peu plus de 1 milliard d'euros.

Cécile Ducourtieux
Article paru dans l'édition du 26.01.07.