Trou d'air sur les places boursières mondiales
LE MONDE | 27.07.07 | 11h16

 

Sourdes depuis des semaines aux menaces planant sur les marchés financiers, les bourses mondiales ont finalement cédé à la crainte au cours des derniers jours. Le mouvement a été à la fois brutal et général. Jeudi 26 juillet, la quasi totalité des places a dévissé effaçant la majeure partie des gains engrangés depuis le début de l'année.

A Paris, le CAC 40, a décroché de 2,78%. A Londres, le FTSE 100 a cédé 3,15%. De l'autre coté de l'Atlantique, le Dow Jones et le Nasdaq ont perdu respectivement 2,26% et 1,84%. Le mouvement s'est aussi propagé en Asie. Vendredi, le Nikkei a fini la séance sur une chute de 2,36%, et à Hong Kong l'indice Hang Seng a perdu 2,74%.

A l'origine de ce coup de tabac, la crise du marché des crédits immobiliers à risque aux Etats-Unis, les "subprime mortgage". Depuis plus d'un an, la baisse des prix des logements américains, cumulée à la hausse des taux d'intérêt, a placé de plus en plus de ménages endettés en situation de quasi faillite.

Ce phénomène aurait pu rester circonscrit si des acteurs financiers, notamment les fonds spéculatifs ("hedge funds"), n'avaient investi massivement lors des dernières années dans ces titres de créance très risqués mais aussi très décotés sur le marché de la dette. Mais depuis le début de l'année, la multiplication des défauts de paiement a provoqué des faillites en chaîne et de lourdes pertes pour la plupart de ces fonds.

Il y a deux semaines, l'annonce de l'effondrement de deux fonds de la banque Bear Stearns dont les pertes se montaient à une dizaine de milliards de dollars, avait fortement inquiété les investisseurs. Ils redoutaient une contagion de la crise à l'ensemble du secteur financier. Elle semble se réaliser. Pour mener leurs opérations, les fonds empruntent en effet beaucoup aux banques aujourd'hui inquiètes des difficultés des "hedge funds" et devenues bien plus prudentes. Sans surprise, les valeurs du secteur bancaire sont parmi les plus sanctionnées.

"LES FONDAMENTAUX DE L'ÉCONOMIE SE SONT DÉTÉRIORÉS"

L'effet boule de neige ne s'arrête pas là. La semaine dernière, Ben Bernanke, président de la Réserve fédérale américaine (Fed), évoquait l'impact de cette crise sur la croissance américaine. Ce qui avait assuré la hausse des bourses mondiales depuis 2003, à savoir l'accès facile au crédit dopant les fusions et rachats d'entreprises, notamment par les fonds d'investissement, est remis en question. "Les opérations d'envergure comme le rachat des hôtels Hilton par Blackstone début juillet vont être stoppées. La spéculation s'arrête", avertit Christian Parisot, économiste chez Aurel Leven. Echaudées, les banques resserrent l'accès au crédit et les investisseurs jusqu'ici friands d'actifs risqués se montrent bien plus prudents. Déjà certaines opérations, comme le rachat de la chaîne de pharmacies Alliance Boots par le fonds KKR ou celui de Chrysler par Cerberus peinent à se financer et sont menacées.

Faut-il pour autant voir dans ce coup de froid les prémisses d'un krach boursier? Pour Teun Draaisma chez Morgan Stanley, les marchés ne sont qu'à mi chemin de la correction, "les fondamentaux de l'économie se sont détériorés", alerte-t-il. Selon lui les courtiers, qui avaient occulté certains facteurs comme la hausse des prix du pétrole, reprennent conscience des réalités. "Mais il s'agit sans doute d'une forte correction plus qu'un véritable krach", présage-t-il.

De fait, pour la plupart des analystes, la panique actuelle est avant tout psychologique. Le marché, très, voire trop, optimiste, devient plus mesuré. Quitte à basculer un temps dans l'excès inverse. Pour Patrick Artus, économiste chez Natixis, le mouvement actuel, qu'il qualifie de "démentiel", n'est ainsi qu'une nouvelle illustration du caractère "enfantin et moutonnier", des investisseurs. "La crise des subprime est assez bien calibrée", assure-t-il et ne concerne pas les marchés européens.

A court terme, cette surréaction des marchés pourrait toutefois être salutaire. En alertant tôt, "la Fed a crevé l'abcès même si cela créé à court terme une forte secousse", minimise Alain Bokoza de la Société générale.

 

Claire Gatinois