HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE OCCIDENTALE, par Bertrand Russell, © 1945

---------------------------------------------------------------------------------------

publicité

 

---------------------------------------------------------------------------------------

 

III.1.17 : HUME

David Hume (1711-1776) est l'un des philosophes les plus importants, car il poussa jusqu'à sa conclusion logique ultime la philosophie empirique de Locke et Berkeley. Et en la rendant cohérente il l'a rendue totalement invraisemblable. Il représente, en un certain sens, une voie sans issue : dans sa direction, il est impossible d'aller plus loin. Le réfuter a été, depuis qu'il a écrit ses ouvrages, l'un des passe-temps favoris des métaphysiciens. Pour ma part, je ne trouve aucune de leurs réfutations convaincante ; néanmoins, je ne peux pas ne pas espérer que quelque chose de moins sceptique que le système de Hume puisse être découvert.

Il a écrit son ouvrage philosophique principal, le "Traité de la Nature humaine", alors qu'il vivait en France durant les années 1734 à 1737. Les deux premiers volumes furent publiés en 1739. C'était encore un jeune homme, n'ayant pas atteint 30 ans ; il n'était pas connu, et ses conclusions étaient telles qu'aucune école ne les auraient bien accueillies. Il avait espéré déclencher de vigoureuses attaques, auxquelles il aurait fait de brillantes réponses. Au lieu de cela, personne ne prêta attention à son livre ; comme il le dit lui-même "il tomba mort-né de la presse". "Mais, ajouta-t-il, étant d'une nature heureuse et d'un tempérament énergique, je me suis rapidement remis de ce coup." Il se consacra à la rédaction d'essais, dont il publia un premier volume en 1741. En 1744, il tenta sans succès d'obtenir un poste de professeur à Edimbourg ; après cet échec, il devint le d'abord le tuteur d'un lunatique, puis le secrétaire d'un général.

Rassuré par ces accomplissements, il s'aventura à nouveau dans la philosophie. Il abrégea le Traité en éliminant les meilleures parties et la plupart des raisons conduisant à ses conclusions ; le résultat fut l' "Enquête sur l'entendement humain", pendant longtemps un livre bien plus connu que son Traité. C'est ce livre qui réveilla Kant de sa "torpeur dogmatique" ; il ne semble pas qu'il ait connu le Traité.

Il écrivit aussi ses "Dialogues sur la religion naturelle", qu'il ne publia pas de son vivant. Mais ils furent publiés, selon ses volontés, de manière posthume en 1779. Son "Essai sur les Miracles", qui devint célèbre, maintient qu'il ne pourra jamais y avoir de preuves historiques satisfaisantes pour ces événements.

Son "Histoire de l'Angleterre", publié en 1755 et les années qui suivirent, s'applique à démontrer la supériorité des Tories sur les Whigs, et des Ecossais sur les Anglais ; il ne considérait pas que l'histoire méritait d'être étudiée avec un détachement philosophique.

En 1763 il alla à Paris où les philosophes lui firent un accueil chaleureux. Malheureusement, il se lia d'amitié avec Rousseau, puis eut une dispute célèbre avec lui. Hume se comporta avec une admirable égalité d'humeur, mais Rousseau, qui souffrait de la maladie de la persécution, insista pour avoir une rupture violente.

Hume décrivit son caractère dans une nécrologie qu'il rédigea lui-même, une "oraison funèbre" comme il l'appela : "J'étais un homme au caractère doux, maîtrisant mes émotions, ouvert, d'humeur sociable et heureuse, capable de nouer des amitiés, mais peu susceptible envers mes ennemis, d'une grande modération dans toutes mes passions. Même mon goût pour la célébrité littéraire, les passions qui me guidèrent, ne gâtèrent jamais mon humeur, même si elles me causèrent de fréquentes frustrations." Cela est confirmé par tout ce que l'on sait de lui.

"Traité de la Nature humaine"

Le "Traité de la Nature humaine" de Hume est divisé en trois livres, traitant respectivement de la compréhension, des passions, et de la morale. Ce qui est important et nouveau dans ses doctrines se trouve dans le premier livre, auquel je vais me limiter.

Distinction entre "impressions" et "idées"

Il commence par la distinction entre "impressions" et "idées". Ce sont deux sortes de perceptions, parmi lesquelles les impressions sont celles qui ont le plus de force et de violence "Par idée je veux parler des vagues images d'impressions qu'on a en pensant et en réfléchissant." Les idées, du moins quand elles sont simples, sont comme les impressions, mais plus vagues. "A chaque idée simple correspond une impression simple, à laquelle elle ressemble ; et chaque impression simple a une idée correspondante." "Toutes nos idées simples lors de leur première apparition sont dérivées d'impressions simples, qui leur correspondent, et que les idées simples représentent exactement." Les idées complexes, en revanche, ne correspondent pas nécessairement à des impressions. Nous pouvons imaginer un cheval ailé sans en avoir jamais vu, mais les constituants de cette idée complexe sont tous dérivés d'impressions. La démonstration que les impressions viennent d'abord est dérivée de l'expérience ; par exemple, un homme aveugle de naissance n'a aucune idée des couleurs. Parmi les idées, celles qui conservent un degré considérable de la vivacité des impressions d'origine appartiennent à la mémoire, les autres à l'imagination.

[Cette distinction, par Hume, est belle et bonne. Elle ressemble à la distinction entre réalité et perception. Mais qu'en fait-il ? Et quelle est sa position quant à l' "existence" ou non d'un monde extérieur qui est la cause des perceptions, ou des impressions pour reprendre le vocabulaire de Hume ?

Tout cela reste une sorte de métaphysique du cerveau, comme il y a une métaphysique de l'univers. Et de même que la cosmologie a fait plus en 50 ans que 2000 ans de métaphysique pour comprendre l'univers, l'étude du cerveau par les neurosciences depuis deux ou trois décennies balaie le point de vue de Hume, et le renvoie vers le fatras de prononcements de "philosophes" qui ne prennent jamais la peine d'examiner attentivement ce dont ils parlent.]


Sur les "idées abstraites" : "il n'y a pas d'idée générale"

Il y a une section (Livre I, Partie I, sect. VII) "Sur les idées abstraites", qui démarre avec un paragraphe exprimant de manière emphatique son accord avec la doctrine de Berkeley selon laquelle "toutes les idées générales ne sont rien d'autre que des idées particulières, annexées à un certain terme, qui leur donne une signification plus vaste, et font qu'elles rappellent à l'occasion d'autres idées particulières, qui leur sont similaires." Il soutient que, quand nous avons l'idée d'un homme, elle a toutes les particularités qu'a l'impression que donne l'homme. "L'esprit ne peut pas former une quelconque notion de quantité ou de qualité sans former une notion précise du degré de chaque." "Les idées abstraites sont en elles-mêmes individuelles, cependant elles peuvent devenir générales dans leur représentation."

Cette théorie, qui est une forme moderne de nominalisme, a deux défauts [ce n'est pas clair si c'est R. qui critique Hume, ou R. qui expose une critique par Hume -- peut-être le second cas... ou plutôt le premier... de toute façon ce n'est pas très important car c'est de l'enc. de mouches], un logique et l'autre psychologique. Pour commencer par l'objection logique : "Quand nous avons trouvé une ressemblance entre plusieurs objets, dit Hume, nous appliquons le même nom à tous." Tous les nominalistes seront d'accord. Mais en fait un nom commun, comme "chat", est tout aussi irréel que l'est l'universel CHAT. La solution nominaliste au problème des universaux ainsi échoue car elle est insuffisamment drastique dans l'application de ses propres principes ; elle commet l'erreur d'appliquer ces principes seulement aux "choses", et pas aussi aux mots.

L'objection psychologique est plus sérieuse, au moins en lien avec Hume. Toute la théorie selon laquelle les idées sont des copies des impressions, comme Hume l'expose, souffre d'ignorer ce qui est vague. Quand, par exemple, j'ai vu une fleur d'une certaine couleur, et plus tard je me souviens d'une image de cette fleur, l'image manque de précision, en ce sens qu'il y a plusieurs nuances très similaires de couleur auxquelles l'image peut correspondre, ou auxquelles "l'idée" peut correspondre pour reprendre la terminologie de Hume. Il n'est pas vrai que "l'esprit ne peut pas former une quelconque notion de quantité ou de qualité sans former une notion précise du degré de chaque". Supposez que vous ayez vu un homme dont la hauteur est six pieds et un pouce. Vous conservez une image de lui [dans votre tête], mais elle irait aussi bien pour un homme un demi-pouce plus grand ou un demi-pouce plus petit. Etre vague n'est pas la même chose qu'être général, mais il y a certaines caractéristiques communes. En ne notant pas cela, Hume se crée des difficultés inutiles, comme par exemple, l'impossibilité [selon Hume] de concevoir une nuance de couleur que vous n'avez jamais vue.

[Hume commence à me décevoir comme Leibniz.

J'ai toujours eu du respect pour Leibniz à cause de sa contribution fondamentale au calcul intégral et différentiel. De même j'ai toujours eu du respect pour Hume à cause de ses remarques pertinentes sur le commerce et la monnaie.

J'étais toujours parti du principe, en conséquence, que les idées philosophiques de Leibniz, que je ne connaissais pas, devaient être profondes. J'ai découvert que ses monades étaient des couillonnades (tentant sans doute d'appliquer le calcul infinitésimal aux éléments concrets de l'univers, car il avait eu un succès extraordinaire en mathématiques).

Je suis en train de faire une expérience comparable avec les idées philosophiques de Hume.

Cependant elles sont moins délirantes radicales que les monades de Leibniz.

Mais le rejet de tout ce qui n'est pas du domaine des perceptions, la distinction entre 'impression' et 'idée', le rejet de tout concept général, la réduction de la conception du 'soi' à un ensemble d'idées particulieres, est pauvre, lassant et stérile.

Cela apparaît surtout un jeu d'esprit plus qu'une contribution à la connaissance par l'homme de l'univers.

Bref ça n'a aucun intérêt et aucune importance.]

Si les deux nuances de couleur sont suffisamment similaires, toute image que vous vous figurerez de l'une sera également applicable à l'autre, ainsi qu'aux nuances intermédiaires. Quand Hume dit que les idées sont dérivées des impressions, et qu'elles les représentent exactement [avec une notion de degré], il s'aventure au-delà de ce qui est psychologiquement correct.

Rejet de la perception psychologique de la substance

Hume a banni la conception des substances de la psychologie, comme Berkeley l'avait bannie de la physique. Il n'y a, dit-il, aucune impression de soi, et par conséquent aucune idée de soi (Livre I, Partie IV, sect. VI). "Pour ma part, quand je rentre de la manière la plus intime dans ce que j'appelle 'moi', je trébuche toujours sur une perception particulière ou une autre, de chaud ou de froid, de lumineux ou de sombre, d'amour ou de haine, de douleur ou de plaisir. Je ne pense jamais à moi-même sans une perception, et ne peux jamais rien observer d'autre que des perceptions." Il se peut qu'il y ait, concède-t-il avec humour, des philosophes qui peuvent percevoir leur soi ; "mais si on laisse de côté quelques métaphysiciens de cette sorte, j'ose affirmer que pour le reste de l'humanité le soi n'est rien d'autre qu'un faisceau ou un ensemble de perceptions diverses, qui se succèdent avec une inconcevable rapidité, et qui sont en perpétuel flux et mouvement."

Répudiation de la notion de 'soi'

Cette répudiation de l'idée de soi est d'une grande importance. Voyons exactement ce qu'elle maintient, et jusqu'où elle est valide. Pour commencer, le Soi, si une telle chose existe, n'est jamais perçu, et par conséquent nous ne pouvons pas avoir une idée de lui [idée au sens de Hume, j'imagine, c'est-à-dire un sentiment vague copiant, parfois, une impression]. Si cet argument doit être accepté, il faut l'exposer avec soin. Aucun homme ne perçoit son propre cerveau, cependant, dans un sens important, il a une "idée" de lui. De telles "idées", qui sont des inférences à partir des perceptions, ne font pas partie du stock logiquement de base des idées ; elles sont complexes et descriptives -- ce doit être le cas si Hume a raison avec son principe que toutes les idées simples sont dérivées des impressions, et si ce principe est rejeté, nous sommes contraint de nous rabattre sur des idées "innées". En utilisant une terminologie moderne, nous pouvons dire : les Idées de choses ou d'événements non perçus peuvent toujours être définies en termes de choses ou d'événements perçus, et par conséquent, en substituant la définition à la place du terme défini, nous pouvons toujours exprimer ce que nous savons empiriquement sans introduire ...

[Ce que fait Russell n'est pas de la scolastique, c'est pire !!! Tout en jonglant avec un grand nombre de concepts, soi-disants clairs, modernes, "techniques", venant de la part "d'un type qui a aussi expliqué les mathématiques", il élabore un palais du facteur Cheval de modèles extrêmement enfantins, pauvres, inutiles et d'aucune conséquence... Et de temps en temps, quand il sent que les délires sont trop ridicules, il sort une carte atout : il s'en réfère au bon sens pour dire que c'est faux... En d'autres termes tous ses délires ne sont que de pauvres jeux d'esprit...

Heureusement que c'est un bon expositeur de l'histoire des idées. En cela on se souviendra de lui comme d'un homme qui a fait une contribution utile et même remarquable.]

... sans introduire des choses ou événements non perçus.

En ce qui concerne notre problème présent, toute la connaissance psychologique peut [selon Hume] être exprimée sans introduire de "Soi". En outre, le "Soi", tel que défini, ne peut pas être chose qu'un ensemble de perceptions -- ne pas être une simple "chose". Avec cela je pense que tout empiriste ne peut qu'être d'accord.

[En résumé : il y a un "soi", car "bin on le sent bien" ; ce n'est pas une "chose" simple, comme cette table, mais c'est un truc qu'on ne peut pas nier. Pourquoi ? "Bin c'est le bon sens".]

Il ne s'ensuit pas qu'il n'y a pas de simple "Soi" [noter l'emploi systématiquement abusif du concept d'existence, du mot exister, ou sa forme soft "il y a", depuis au moins le trio infernal Socrate/Platon/Aristote] ; il s'ensuit seulement que nous ne pouvons pas savoir s'il y en a un ou pas, et que le "Soi", sauf sous forme d'ensemble de perceptions, ne peut entrer dans aucune partie de notre connaissance [contrairement à cette table].

[C'est de la philosophie/pseudo-physique boule-de-gomme, qui est inférieure à Démocrite.

En fait c'est, sous un habillage de Dons d'Oxbridge, des conversations de café du commerce ou de cour de récréation en primaire.]

Importance de la conclusion de Hume que le Soi n'existe pas (ou du moins ne peut pas être une "idée simple" dérivant dérivant d'une perception)

Cette conclusion est importante en métaphysique, car elle se débarrasse des derniers vestiges de "substance". Elle est importante en théologie, car elle abolit toute connaissance supposée de "l'âme". Elle est importante dans l'analyse de la connaissance, puisqu'elle montre que la distinction de catégorie entre le sujet et l'objet n'est pas fondamentale. Dans ce sujet de l'égo, Hume fit un progrès important par rapport à Berkeley.

[Hume "démontra" que l'égo n' "existe" pas ; c'est juste un ensemble de perceptions qu'on appelle "soi".

Pourquoi pas ? Mais c'est de la ratiocination sans portée. Ça n'a aucune conséquence pratique dans un sens ou dans l'autre -- à part peut-être justifier la dérive politiquement correcte actuelle de la justice où les criminels deviennent des victimes...]

"Sur la connaissance et les probabilités"

La partie la plus importante de tout le Traité est la section intitulée "Sur la Connaissance et la Probabilité". Quand il parle de probabilité, Hume ne veut pas parler de la sorte de connaissance contenue dans la théorie mathématique des probabilités, comme par exemple le chance de tirer un double-six avec deux dés qui est de un sur trente-six. Cette connaissance-là n'est pas en soi probable dans un quelconque sens ; nous en sommes aussi certains qu'on puisse l'être.

Ce qui préoccupe Hume est la connaissance incertaine, comme celle obtenue à partir de données empiriques par inférence allant dans le sens opposé à la déduction.

[Il se trouve, mais Russell ne le sait peut-être pas, qu'en théorie des probabilités, l'école bayésienne colle aussi des probabilités sur les différentes possibilités inférables.]

Cela inclut toute notre connaissance sur le futur, et sur les portions non-observées du passé et du présent. En fait, cela inclut tout sauf, d'une part, l'observation directe, et, d'autre part, la logique et les mathématiques. L'analyse d'une telle connaissance "probable" conduisit Hume à certaines conclusions sceptiques, qu'il est tout aussi difficile de rejeter que d'accepter. Le résultat fut un défi pour les philosophes, qui, à mon avis, n'a toujours pas été résolu de manière satisfaisante.

[R. parle peut-être des probabilités "a priori" des Bayésiens.

Les Bayésiens sont capables de coller des probabilités "a priori" sur des hypothèses G ou H qui impliquent chacune l'observation O avec des probabilités respectives p et q. Voir Bayes' theorem. (Je recommande wikipedia anglais, dont les explications sont, comme d'habitude, infiniment supérieures à celles de wikipedia français, qui est sous l'emprise de disciples de Saint Thomas d'Aquin.)

L'école fréquentiste utilise, quant à elle, la technique du maximum de vraisemblance pour choisir entre G et H étant donné l'observation O. Noter que le mot "choisir" lui-même est ambigu. Herman Chernoff a écrit tout un livre avec Lincoln Moses, "Elementary Decision Theory", pour expliquer ce que choisir veut dire en la circonstance.]

 

[Attitude vis-à-vis des théories des Anciens : noter comme R. ainsi que tout un chacun avons une attitude différente vis-à-vis d'un penseur ancien et d'un homme contemporain.

Quand on réfléchit, on accueille généralement volontiers l'opinion d'un contemporain pour alimenter notre réflexion. Nous le considérerons comme un interlocuteur intelligent dans une discussion, et retiendrons tout ou partie de ce qu'il dit dans nos propres idées.

Mais quand il s'agit d'un Ancien, alors son savoir prend une allure marmoréenne, sacrée, de la nature d'une parole divine (ou au moins biblique). Dans ce cas on est souvent tenté soit de considérer que ce que dit l'Ancien est "parole d'Evangile", "la Vérité", soit que ce sont des conneries de temps obscurantistes. Ainsi Russell dit dans une interview de 1952 que la théorie du monde parfait des idées, de Platon et consorts, était "just sheer non sense".]


Hume commence par distinguer sept sortes de relations philosophiques :
1) la ressemblance,
2) l'identité,
3) les relations de temps et de lieu,
4) la proportion en quantité ou en nombres,
5) les degrés dans n'importe quelle qualité,
6) l'opposition des contraires,
7) et le lien de causalité.

Celles-ci, dit-il, peuvent être divisées en deux catégories : celles qui dépendent seulement des idées, et celles qui peuvent être modifiées sans changement dans nos idées. De la première catégorie sont la ressemblance, l'opposition des contraires, le degré dans une qualité, les proportions en quantité ou en nombre. [Et l'identité ? On verra plus loin que R. la met dans la deuxième catégorie.]

Mais les relations spatio-temporelles et les relations causales sont de la deuxième catégorie. [I.e. on peut les changer sans changement dans nos idées.]

Seules les relations de la première catégorie donnent une certaine connaissance ; nos connaissances concernant les autres sont seulement probables. L'algèbre et l'arithmétique sont les seules sciences dans lesquelles nous pouvons développer une longue chaîne de raisonnement sans perdre la connaissance certaine.

La géométrie n'est pas aussi certaine que l'algèbre ou l'arithmétique *, car nous ne pouvons pas être sûrs de la vérité de ses axiomes. C'est une erreur de supposer, comme le font de nombreux philosophes, que les idées en mathématiques "doivent être comprises par une vue purement intellectuelle, dont seules les facultés supérieures de l'âme sont capables". Le caractère erroné de cette vue est évident, dit Hume, dès que nous nous rappelons que "toute nos idées sont copiées sur nos impressions".

[* En disant cela Russell -- s'il parle pour lui et non pas seulement pour Hume -- ignore 50 ans de mathématiques de 1890 à 1940. Hilbert a écrit tout un traité de géométrie fondamentale et il a aussi dit qu'il importe peu de savoir ce que sont les points, les lignes droites et les plans, on peut aussi bien les appeler des tables, des chaises et des pots de bière ; ce qui importe ce sont les règles qui s'appliquent. Quant à savoir si "le monde a bien la géométrie qu'on lui croit", c'est aussi une question largement dépassée.

Russell ignore aussi qu'il y a des "vérités indémontrables" en arithmétique : peut-être, par exemple, que la suite des paires de nombres premiers séparés par deux est infinie. C'est un résultat non démontré en 2019 ; et on ne sait même pas si c'est démontrable ou pas.]

Les trois relations qui ne dépendent pas seulement de nos idées sont l'identité, les relations spatio-temporelles, et le lien de causalité. Pour les deux premières, l'esprit ne va pas plus loin que ce qui apparaît immédiatement aux sens. (Les relations spatio-temporelles, soutient Hume, peuvent être perçues, et peuvent former une partie de nos impressions.) Le lien de causalité seul nous permet d'inférer une chose ou un événement d'une autre chose ou d'un autre événement : "C'est seulement le lien de causalité, qui produit une telle connexion, de telle façon que cela nous donne l'assurance de l'existence ou de l'action sur un objet, qui a été suivi ou précédé par une autre existence ou action." "'Tis only causation, which produces such a connexion, as to give us assurance from the existence or action of one object, that 'twas followed or preceded by any other existence or action."

[Hé bé, le style de Hume n'a rien à envier à celui de Locke dans le charabia !!! Mais Hume est cependant plus intelligent que Locke qui n'a fait qu'énoncer des convictions ou des évidences, mais n'a rien démontré à l'aide de l'intelligence.]

Discussion de la causalité

Une difficulté découle de l'affirmation par Hume qu'il n'y a pas d'impression de relation causale [c'est-à-dire que ce n'est pas qqc qu'on observe de manière brute comme "il fait chaud" ou "un lièvre vient de passer"]. Nous pouvons percevoir, par une simple observation de A et de B, que A est au-dessus de B, ou à droite de B, mais pas que A cause B. Dans le passé, la relation de causalité avait été plus ou moins assimilée à celle d'une base et d'une conséquence en logique, mais cela, Hume souligne avec justesse, était une erreur.

Dans la philosophie cartésienne, comme dans celle des scolastiques, la connexion entre cause et effet était supposée être nécessaire comme les connexions logiques sont nécessaires. La première critique sérieuse de ce point de vue vient de Hume, lequel marque le point de départ de la philosophie moderne de la causalité. Lui, comme presque tous les philosophes après lui jusqu'à Bergson, fait l'hypothèse que c'est une loi qu'il y a des propositions de la forme "A cause B", où A et B sont des classes d'événements ; le fait qu'une telle loi n'existe dans aucune science bien développée semble être inconnu des philosophes. Mais une grande partie de ce qu'ils ont dit peut être traduit afin d'être applicable aux lois causales quand il y en a ; nous pouvons, par conséquent, ignorer ce point pour l'instant.

Hume commence par observer que le pouvoir qu'a un objet d'en produire un autre ne peut pas être découvert dans les idées [que nous pouvons avoir] de chacun des deux objets, et que nous pouvons par conséquent connaître la cause et l'effet seulement par l'expérience, mais pas par le raisonnement ou la réflexion. L'affirmation "ce qui commence doit avoir une cause", dit-il, n'en est pas une qui soit intuitivement certaine, comme le sont les affirmations de la logique. Ainsi qu'il le dit : "Il n'y a pas d'objet, qui implique l'existence d'un autre objet si nous considérons chacun de ces deux objets en eux-mêmes, et ne regardons jamais au-delà des idées que nous nous formons d'eux."

Hume en déduit que ce doit être l'expérience qui donne la connaissance de la cause et de l'effet, mais que ça ne peut pas être la simple expérience des deux événements A et B qui donne l'expérience qu'ils sont liés par une relation causale.

[Hume, ou R., veut-il dire qu'il faut bcp de répétitions pour qu'on commence à voir, c'est-à-dire à construire un modèle où il y a une relation causale ?]

Ce doit être l'expérience, parce que la connexion n'est pas logique ; et ça ne peut pas être simplement l'expérience des événements particuliers A et B, puisque nous ne pouvons rien découvrir en A par lui-même qui doive impérativement conduire à B.

L'expérience requise, dit-il, est celle d'une conjonction constante entre des événements de type A et des événements de type B.

Il souligne que, quand, dans l'expérience, deux objets sont constamment conjoints, alors nous inférons l'un de l'autre. (Quand il dit "infère", il veut dire que percevoir l'un nous fait nous attendre à voir l'autre ; il ne veut pas parler d'inférence logique formelle ou explicite.) "Peut-être, la nécessaire connexion dépend de l'inférence", pas l'inverse. C'est-à-dire, la vue de A cause l'attente de B, et ainsi nous conduit à croire qu'il y a une connexion nécessaire entre A et B.

[R. ne semble pas savoir que la science de haut niveau est toujours beaucoup simple à suivre que ces raisonnements alambiqués et manquant de clarté. Il croit que la science de haut niveau est "compliquée". Alors, comme sa logique est compliquée, il pense que cela lui donne un droit pour être considérée comme de la science de haut niveau -- alors qu'en fait c'est la preuve que ça n'en est pas !]

L'inférence n'est pas déterminée par la raison, puisque cela demanderait que nous faisions l'hypothèse que la nature est uniforme, ce qui n'est pas nécessaire, mais est seulement déduit de l'expérience.

Hume est ainsi conduit à la vue que, quand nous disons "A cause B" nous voulons simplement dire que A et B sont constamment observés ensemble dans les faits, pas qu'il y a une quelconque connexion nécessaire entre eux. "Nous n'avons aucune autre notion de cause et d'effet, autre que celle de certains objets qui apparaissent toujours ensemble... Nous ne pouvons pas pénétrer dans la raison pour cette conjonction."

Il conforte sa théorie avec une définition de la "croyance", qui est, maintient-il, "une idée vivante qui est liée ou associée avec une impression présente". A travers l'association, si A et B sont constamment été observés conjointement dans les expériences passées, l'impression de A produit l'idée vivante de B qui constitue la croyance en B.

[Exercice : appliquer ces façons de raisonner aux trois événements A = c'est l'été, B = bcp de gens ont des coups de soleil, et C = la consommation de crème glacée est élevée.

On peut dire que chaque événement est la cause des deux autres. Mais dans la pratique, on considére généralement que c'est l'été qui cause les deux autres.

Aucune des façons de raisonner n'est fausse. Mais le modèle dans lequel l'été est la cause première conduit à des développements plus simples et plus riches.]

Cela explique pourquoi nous croyons que A et B sont connectés : la perception de A est liée avec l'idée de B, et ainsi nous en venons à penser que A est connecté avec B, bien que cette opinion n'ait en réalité aucune base. "Les objets n'ont aucune connexion entre eux qui puisse être découverte [par la réflexion] ; et ce n'est pas aucun autre principe, seulement par l'habitude opérant sur l'imagination, que nous pouvons tirer de l'apparition de l'un l'inférence qu'on va faire l'expérience de l'autre." Il répète de nombreuses fois [et Russell aussi !!!] l'affirmation que ce qui apparaît à nous comme une connexion nécessaire entre des objets n'est en réalité qu'une connexion nécessaire entre des idées : l'esprit est déterminé par l'habitude

[sous ce vocabulaire et ces explications malhabiles, Hume construit en fait l'approche moderne, par des modèles, de la science]

et "c'est cette impression, ou détermination, qui me donne l'idée de la nécessité." La répétition des exemples, qui nous conduit à penser que A cause B, n'apporte rien de nouveau à l'objet, mais dans l'esprit conduit à une association d'idées.

Ainsi "la nécessité [c'est-à-dire la relation causale] est quelque chose qui existe dans l'esprit, pas dans les objets".

[Cette dernière phrase est importante. Elle est discutable. Mais elle soulève la question du rapport entre la réalité brute externe et nos modèles. La science moderne n'utilise "la réalité brute externe" que pour construire, nourrir et raisonner dans des modèles. Mais ensuite ces modèles, quand ils sont bons, sont prédictifs...

Quand on dit que les événements de type A font partie du groupe plus large des événements de type B, et donc l'observation d'un événement de type A implique l'observation d'un événement de type B (ex. si je vois un barrage élaboré en bois sur une rivière, j'en déduis qu'il y a des castors), parle-t-on seulement de choses "dans l'esprit" ou bien de caractéristiques intrinsèques de A et B ? La science, en fait, se fout de ce genre de question

J'ai déjà signalé la question soulevée par des gens qui affirment voir des choses que les autres ne voient pas, puis prédire des choses que les autres ne peuvent pas vérifier, et enfin les vérifier... Dans certains cas ce sont des génies, dans d'autres des charlatans.]

Que penser de la doctrine de Hume ?

Demandons-nos à présent que penser de la doctrine de Hume. Elle a deux parties, l'une objective, l'autre subjective. La partie objective dit : quand nous jugeons que A cause B, ce qui c'est en fait passé, pour ce qui concerne A et B, est qu'ils ont été fréquemment observés ensemble, c'est-à-dire, A a été immédiatement ou rapidement suivi par B ; nous n'avons aucun droit de dire que A doit être suivi par B, ou sera suivi par B lors de la prochaine occurrence de A. Et nous n'avons pas non plus de base, quelle que soit la fréquence avec laquelle A a été suivi par B sans le passé, pour supposer qu'une "relation" au-delà de la simple séquence chronologique est impliquée. En fait, la causalité est définissable en termes de séquence, et n'est pas une notion indépendante.

[Hume refuse de reconnaître un sens au mot modèle. Il n'a pas reçu assez de pierre sur la tête, car il saurait que ce n'est pas seulement une constatation qu'ensuite il a mal ; la pierre déclenche des mécanismes de douleur dans la tête. Le langage courant dit que ça en est la cause. Peu importe s'il y a ou pas une "relation profonde" entre la pierre et le mal à la tête.]

La partie subjective de la doctrine dit : la conjonction fréquemment observée entre A et B cause [sic] l'impression que A est la cause de B. Mais si nous voulons définir "cause" comme il est suggéré dans la partie objective de la doctrine, nous devons reformuler ce qu'on vient de dire. En substituant la définition de "cause", cela devient :

"Il a été fréquemment observé que la fréquente conjonction observée de deux objets A et B a été fréquemment suivie pas des cas où l'impression de A était suivie par l'idée de B."

[R. retombe, encore une fois, dans des conneries pires que la scolastique.]

Cette affirmation, nous pouvons l'admettre, est vraie, mais elle n'a pas du tout la portée que Hume attribue à la partie subjective de sa doctrine. Il maintient, et le répète à de nombreuses reprises, que la fréquente conjonction de A et B ne donne aucune raison pour s'attendre à ce qu'ils arrivent ensemble dans l'avenir. Elle cause [sic, à nouveau] seulement cette attente.

[Oui, "rien ne prouve rien". Mais il est raisonnable de construire un modèle où A implique B.

J'ai souligné que les philosophes utilisaient bcp le concept d'existence ou de non existence, sans jamais préciser ce qu'ils entendent par là. Et certains affirment que Dieu existe, mais pas cette table sur laquelle j'écris. On peut dire la même chose du concept de cause.]

C'est-à-dire : l'expérience de la fréquente conjonction est fréquemment suivie de l'habitude de l'association..

Mais, si la partie objective de la doctrine de Hume est acceptée, le fait que, dans le passé, des associations ont été fréquemment formées dans de telles circonstances, n'est pas une raison pour supposer qu'elles vont continuer ou que des nouvelles seront formées dans des circonstances similaires.

[Avant que l'on comprenne la structure du système solaire, les philosophes remarquaient aussi que ce n'est pas parce que le soleil s'était jusqu'à présent toujours levé au bout de quelques heures de nuit qu'il le ferait à la fin de cette nuit.

Les considérations de Hume sur les événements A et B, où A est ou n'est pas la cause de B, sont aussi peu intéressantes.

Soit on a un modèle qui explique pourquoi A cause B, soit on n'en a pas. Mais si on persiste à voir B chaque fois qu'on a vu A, il est naturel de chercher une explication -- si on aime comprendre le monde.]

Le fait est que, là où la psychologie est concernée, Hume s'autorise à croire à la causalité dans un sens que, en général, il condamne. Prenons une illustration. Je vois une pomme, et je m'attends à ce que, si je la mange, j'aille éprouver une certaine sensation de goût. Selon Hume, il n'y a pas de raison pour laquelle je devrai ressentir ce goût : la loi de l'habitude explique l'existence de mon attente, mais ne la justifie pas. La loi de l'habitude est elle-même causale. C'est pourquoi si nous prenons Hume au sérieux nous devons dire : bien que dans le passé la vue d'une pomme [que je m'apprête à manger] a toujours été associée à l'attente d'une certaine saveur, il n'y a pas de raison que ces deux faits continuent à être ensemble : peut-être que la prochaine fois que je verrai une pomme je vais anticiper dans ma bouche le goût du rosbif. Vous avez le droit de penser, pour l'instant, que c'est peu probable ; mais il n'y a pas de raison pour ne pas penser que dans cinq minutes c'est ce que vous penserez. Si la doctrine objective de Hume est correcte, nous n'avons pas plus de raison pour des attentes de nature psychologiques que de nature physiques. La théorie de Hume peut être caricaturée comme suit : "la proposition 'A cause B' veut dire 'l'impression de A cause l'impression de B'". En tant que définition, cela ne nous conduit pas très loin.

La partie objective de la doctrine de Hume

Nous devons donc examiner la doctrine objective de Hume de plus près. Cette doctrine a deux parties :

(1) Quand nous disons que "A cause B", tout ce que nous avons le droit de dire est que, dans les expériences passées, A et B sont fréquemment apparus ensemble ou en rapide succession, et aucun exemple n'a été observé où A n'a pas été suivi ou accompagné par B.

[C'est là que le scientifique moderne construit un modèle -- parfois aussi simple que "la disparition du mur cause la visibilité de ce qu'il y a derrière" et tout ce qui peut s'ensuivre (les gazelles qui s'enfuient car derrière le mur il y a un lion, etc.) -- et arrête de se toucher le pipi comme Hume pour savoir s'il y a une nature ontologique à la relation de causalité.

Mon père, qui était comme son propre père un scientifique conformiste, qui m'a tapé dessus pendant plus de quarante ans car je n'ai pas fait comme lui, contrairement à lui qui a fait comme son propre père, mon père m'avait dit un jour alors qu'il était septuagénaire, et comme si c'était pour lui une révélation (par ses collègues de l'Académie) : "Tu sais, André, en science, en fait tout est modèle !" Je lui avais répondu : "Euh, oui, ça fait vingt ans que je le pense."

Une citation de William Zinsser expliquant que son père n'avait pas exigé qu'il rejoigne l'entreprise familiale et l'avait laissé devenir journaliste comme il en avait envie :

I was liberated from having to fulfill somebody else's expectations, which were not the right ones for me. I was free to succeed or fail on my on terms.

"On writing well" page 296

Heureux homme !]

(2) Quel que soit le nombre d'exemples que nous ayons pu observer de la conjonction de A et B, cela ne donne pas de raison pour s'attendre à ce qu'ils apparaissent à nouveau conjointement la prochaine fois qu'on voit A, mais c'est le cause [sic une fois de plus] de cette attente, c'est-à-dire, on a fréquemment observé la conjonction d'une grande répétition passée et d'une attente.

Ces deux parties de la doctrine peuvent être formulées comme suit :

(1) dans la causation, il n'y a pas de relation indéfinissable sauf la conjonction ou la succession ;

(2) l'induction par simple énumération n'est pas une forme valide d'argumentation.

Les empiristes en général ont accepté la première et rejeté la seconde. Quand je dis qu'ils sont rejeté la seconde, je veux dire qu'ils ont cru que, étant donné une accumulation suffisamment vaste d'exemples de conjonction, la vraisemblance qu'une conjonction sera observée dans la prochaine expérience excèdera un demi [R. ne connaît ni les probabilités, ni les statistiques, mais ce n'est pas grave...] ; ou, s'ils ne s'en sont pas exactement tenus à ça, ils ont maintenu une doctrine ayant des conséquences similaires.

L'induction

Je ne souhaite pas, pour le moment, discuter de l'induction, qui est un sujet vaste et difficile ; pour le moment, je me contente d'observer que, si la première partie de la doctrine de Hume est admise, la rejection de l'induction rend toutes les attentes concernant l'avenir irrationnelles, même l'attente que nous allons continuer à avoir une attente.

Je ne veux pas simplement dire que nos attentes sont erronées ; elles doivent, en tout cas, être admises. Je veux dire, quand nous considérons nos attentes les plus fermes, comme 'le soleil se lèvera demain', qu'il n'y a pas l'ombre d'une raison pour supposer qu'il y a plus de chance que ça ait lieu que non. Avec cette provision, je retourne au sens du mot "cause".

Ceux qui ne sont pas d'accord avec Hume maintiennent que "cause" est une relation spécifique, qui produit une séquence invariable, mais qui n'est pas produite par elle. Pour retourner aux horloges des Cartésiens : deux chronomètres parfaitement exacts peuvent sonner les heures l'un après l'autre invariablement, sans que l'un soit la cause de la sonnerie de l'autre. En général, ceux qui adoptent cette vue maintiennent que nous pouvons parfois percevoir des relations causales, bien que dans la plus part des cas nous sommes obligés de les inférer [par induction], plus ou moins périlleusement, car nous constatons la répétition de la conjonction. Voyons quels sont les arguments pour et contre Hume sur ce point.

Le point de vue de Hume, et celui de ses adversaires

Point de vue de Hume

Hume résume son argumentation de la manière suivante :

[Sans être aussi charabiesque dans la vacuité que Locke, Hume est néanmoins amphigourique lui aussi. Il n'est donc pas nécessaire de le traduire. On a compris ce qu'il veut dire : la notion de cause n'a pas de caractère ontologique, c'est seulement un mot utilisé pour parler de conjonction répétée d'observations. Et son époque n'a pas encore accepté simplement la notion de modèle.]

"I am sensible, that of all the paradoxes, which I have had, or shall hereafter have occasion to advance in the course of this treatise, the present one is the most violent, and that 'tis merely by dint of solid proof and reasoning I can ever hope it will have admission, and overcome the inveterate prejudices of mankind. Before we are reconcil'd to this doctrine, how often must we repeat to ourselves, that the simple view of any two objects or actions, however related, can never give us any idea of power, or of a connexion betwixt them: that this idea arises from a repetition of their union: that the repetition neither discovers nor causes anything in the objects, but has an influence only on the mind, by that customary transition it produces: that this customary transition is, therefore, the same with the power and necessity, which are consequently felt by the soul, and not perceiv'd externally in bodies?"

Hume est communément accusé d'avoir une vue trop parcellaire de la perception, mais il autorise cependant la perception de certaines relations. "Nous ne devons pas, dit-il, considérer comme des raisonnements les observations que nous faisons concernant l'identité, et les relations de temps et d'espace ; puisque en aucune d'entre elles l'esprit peut aller au-delà de ce qui est immédiatement perceptible aux sens." La causalité, dit-il, est différente en ce sens qu'elle nous emmène au-delà des impressions faites sur nos sens, et nous informe d'existences non perçues.

[Encore un emploi abusif du mot "existence".

Et maintenant, passons au commentaire de Russell qui, comme un poinçonneur des Lilas, a les tampons "valide" et "invalide" dans les mains et tape avec l'un ou l'autre sur les arguments de ses collègues philosophes à travers les âges.]

En tant qu'argument, cela semble valide. Nous croyons en de nombreuses relations de temps et d'espace que nous ne pouvons pas percevoir : nous pensons que le temps se prolonge vers le passé et vers l'avenir, et que l'espace va au-delà des murs de la pièce où nous nous trouvons. Le réel argument de Hume est que, tandis que nous percevons parfois des relations spatio-temporelles, nous ne percevons jamais des relations causales, qui doivent donc, si on les admet, être inférées à partir de relations que nous percevons. Cette controverse se réduit donc à un fait empirique : Percevons-nous ou non, parfois, une relation que l'on peut appeler causale ? Hume dit que non, ses adversaires disent que oui, et il est aisé de voir comment chaque partie peut avancer des arguments en faveur de sa thèse.

Je pense que l'argument le plus fort en faveur de la thèse de Hume peut être dérivé du caractère causal des lois de la physique. Il apparait que de simples règles de la forme "A cause B" ne sont jamais admises en science, sauf comme des suggestions encore brutes dans les premières étapes. Les lois causales par lesquelles ces simples règles sont remplacées, dans les sciences bien développées, sont si complexes que personne ne peut supposer qu'elles sont données par la perception immédiate ; elles sont toutes, manifestement, des inférences élaborées à partir de l'observation de l'évolution de la nature.

Je laisse de côté la théorie quantique moderne [écrit vers 1940] qui renforce encore la conclusion ci-dessus. Pour ce qui concerne les sciences physiques, Hume a tout à fait raison : des propositions comme "A cause B" ne doivent jamais être acceptées [comme étant montrées par la perception immédiate], et notre tendance à les accepter s'explique par les lois de l'habitude et de l'association. Ces lois, en elles-mêmes, dans leur forme précises, sont des affirmations élaborées, logées dans nos tissus nerveux -- d'abord en physiologie, ensuite en chimie, enfin en physique.

[Une fois de plus du bavardage du niveau du Café du Commerce, habillé en philosophisme éthéré -- c'est malheureusement le cas des trois quarts de "la philosophie".]

Point de vue des adversaires de Hume


L'adversaire de Hume, cependant, même s'il admet tout ce qui vient d'être dit sur les sciences physiques, ne s'avoue pas encore définitivement convaincu. Il peut dire qu'en psychologie nous avons des cas où une relation causale peut être perçue. Toute la conception d'une cause dérive probablement d'une volonté [de l'y voir], et on peut dire que nous pouvons voir une relation, entre la volonté et l'acte qui la suit, qui est davantage que simplement une séquence invariable [volonté-cause --> acte-conséquence].

[R. ergote pour et contre Hume. Le fond de la question c'est que les opposants à l'empirisme sont à la recherche désespérée de vérités et de structures dans l'univers qui "existent" indépendamment des hommes. Or ils n'y arrivent pas. Et ils sont rebutés par les paradoxes des "ultra-empiristes" comme Hume.]

On peut dire la même chose de la relation entre une soudaine douleur et un cri. De telles vues sont, cependant, rendues très difficiles par la physiologie. Entre la volonté de faire bouger mon bras et le mouvement qui s'ensuit il y a une longue chaîne causale d'intermédiaires, consistant en des processus dans les nerfs et les muscles. Nous ne percevons que les deux étapes à chaque extrémités de ce processus, la volonté et le mouvement, et si nous pensons que nous voyons une relation causale directe entre les deux nous faisons une erreur. L'argument ne permet pas de conclure sur la question générale, mais il montre qu'il est téméraire de supposer que nous percevons des relations causales telles que nous le pensons. La balance, donc, est en faveur de la vue de Hume qu'il n'y a rien en cause sauf une succession invariable. L'évidence, cependant, n'est pas aussi déterminante que le suppose Hume.

Hume ne se contente pas de réduire l'évidence d'une connexion causale à l'expérience d'une fréquente conjonction ; il poursuit en argumentant qu'une telle expérience ne justifie pas l'attente de conjonctions similaires dans l'avenir. Par exemple : quand (pour répéter une illustration précédente) je vois une pomme, l'expérience passée fait que je m'attends à ce qu'elle ait le goût de pomme, et pas de rosbif ; il n'y a pas de justification rationnelle à cette anticipation.

S'il y avait une telle justification, elle devrait provenir du principe "que ces cas, dont nous n'avons pas eu d'expérience, ressemblent à ceux dont nous avons eu l'expérience". Ce principe ne présente pas de nécessité logique, puisque nous pouvons au moins concevoir un changement dans le cours de la nature. Ce devrait donc être un principe de probabilité. Mais tous les arguments basés sur la probabilité font l'hypothèse de ce principe, et donc il ne peut pas lui-même être prouvé par un argument de probabilité, ni même être rendu probable par un tel argument. "La supposition, que l'avenir ressemble au passé, n'est pas fondée sur quelque argument que ce soit, mais provient entièrement de l'habitude." (Livre I, Partie III, Sect. IV). La conclusion en est un pur scepticisme :

"All probable reasoning is nothing but a species of sensation. 'Tis not solely in poetry and music, we must follow our taste and sentiment, but likewise in philosophy. When I am convinced of any principle, 'tis only an idea, which strikes more strongly upon me. When I give the preference to one set of arguments above another, I do nothing but decide from my feeling concerning the superiority of their influence. Objects have no discoverable connexion together; nor is it from any other principle but custom operating upon the imagination, that we can draw any inference from the appearance of one to the existence of another." (Livre I, Partie III, Sect. VIII)

La méthode expérimentale

Le résultat ultime de l'investigation par Hume de ce qu'on considère comme de la connaissance n'est pas ce que nous pourrions croire. Le sous-titre de son livre est : "Une tentative d'introduire la méthode de raisonnement expérimentale dans les sujets moraux." Il est évident qu'il démarra avec la croyance que la méthode scientifique produit la vérité, toute la vérité, et rien que la vérité ; mais à la fin il arriva, au contraire, à la conviction que la croyance n'est jamais rationnelle, puisque nous ne savons rien. Après avoir exposé les arguments pour son scepticisme (Livre I, Partie IV, Sect. I), il continue, non pas en réfutant les arguments, mais en retombant sur la crédulité naturelle.

"Nature, by an absolute and uncontrollable necessity has determined us to judge as well as to breathe and feel; nor can we any more forbear viewing certain objects in a stronger and fuller light, upon account of their customary connexion with a present impression, than we can hinder ourselves from thinking as long as we are awake, or seeing the surrounding bodies, when we turn our eyes towards them in broad sunshine. Whoever has taken the pains to refute this total scepticism, has really disputed without an antagonist, and endeavoured by arguments to establish a faculty, which nature has antecedently implanted in the mind, and rendered unavoidable. My intention then in displaying so carefully the arguments of that fantastic sect, is only to make the reader sensible of the truth of my hypothesis, that all our reasonings concerning causes and effects are derived from nothing but custom; and that belief is more properly an act of the sensitive, than of the cogitative part of our natures."

"The sceptic," he continues (Book I, Part IV, Sec. II), "still continues to reason and believe, even though he asserts that he cannot defend his reason by reason; and by the same rule he must assent to the principle concerning the existence of body, tho' he cannot pretend by any arguments of philosophy to maintain its veracity . . . We may well ask, what causes us to believe in the existence of body? But 'tis vain to ask, whether there be body or not? That is a point, which we must take for granted in all our reasonings."

Le passage ci-dessus est le début de la section "Sur le scepticisme concernant les sens". Après une longue discussion, la section se termine par la conclusion suivante :

"This sceptical doubt, both with respect to reason and the senses, is a malady, which can never be radically cured, but must return upon us every moment, however we may chase it away, and sometimes may seem entirely free from it. . . . Carelessness and inattention alone can afford us any remedy. For this reason I rely entirely upon them; and take it for granted, whatever may be the reader's opinion at this present moment, that an hour hence he will be persuaded there is both an external and internal world."

Il n'y a pas de raison pour étudier la philosophie -- c'est ce que dit Hume -- sauf que, pour certains tempéraments, c'est un agréable passe-temps. "In all the incidents of life we ought still to preserve our scepticism. If we believe, that fire warms, or water refreshes, 'tis only because it costs us too much pains to think otherwise. Nay if we are philosophers, it ought only to be upon sceptical principles, and from an inclination, which we feel to be employing ourselves after that manner."

Quand il abandonne la spéculation, dit-il, "j'ai le sentiment que j'y perdrais en terme de plaisir, et c'est pour ça que je fais de la philosophie".

Conclusion

La philosophie de Hume, qu'elle soit juste ou fausse, représente la banqueroute de tout le caractère raisonnable du XVIIIe siècle. Il commence, comme Locke, avec l'intention d'être raisonnable et empirique, ne tenant rien pour vrai sans examen, mais recherchant tout ce qui peut être tenu pour sûr à partir de l'expérience et de l'observation. Mais ayant un intellect plus puissant que celui de Locke, une plus grande pénétration analytique, et une moindre capacité à accepter les incohérences inconfortables, il parvient à la conclusion désastreuse que rien ne peut être appris de l'expérience et de l'observation.

[En s'amusant ainsi au début du XVIIIe siècle à enfiler les paradoxes, Hume a aussi renforcé la pratique scientifique de la construction de modèles auxquels on demande deux choses :

1) entraîner logiquement ce qu'on voit
2) prédire d'autres choses que l'on pourra vérifier.

Je l'ai déjà dit, et je le répète : la science ne peut rien contre les gens qui disent "je vois ceci, j'ai construit un modèle qui l'explique, mon modèle prévoit aussi cela" et plus tard qui vous disent "eh bien j'ai vérifié cela aussi". Mais le commun des mortels ne voit ni ce qu'ils ont vu, ni ce qu'ils ont vérifié ensuite.

La plupart du temps ce sont des charlatans. Parfois ce sont des génies.]

Le concept de croyance rationnelle [selon Hume] n'existe pas : "Si nous croyons que le feu réchauffe, et l'eau désaltère, c'est seulement car cela nous coûterait trop de croire autre chose." [On a vu argument plus fort !] Nous ne pouvons pas nous empêcher de croire, mais aucune croyance ne peut être fondée sur la raison. Et il n'y a pas non plus un ensemble d'actions qui soit plus rationnel qu'un autre, puisque tous sont fondés de manière équivalente sur des convictions ne découlant pas d'une rationalité.

Cette dernière conclusion, cependant, Hume ne semble pas l'avoir tirée. Même dans son chapitre le plus sceptique, dans lequel il résume les conclusions du Livre I, il dit : "Généralement parlant, les erreurs de la religion sont dangereuses ; celles de la philosophie seulement ridicules." Il n'a aucun droit à dire ça. "Dangereux" est un mot causal, et un sceptique sur la causalité ne peut pas parler de chose "dangereuses". [R. s'amuse.]

En fait, dans les parties ultérieures de son Traité, Hume oublie tous ses doutes fondamentaux, et écrit essentiellement comme n'importe quel moraliste des Lumières écrivait ; il applique à ses doutes les remèdes qu'il recommande, c'est-à-dire "le manque de soin et l'inattention". En un sens, son scepticisme est insincère, puisqu'il ne peut pas le maintenir en pratique. Son scepticisme a, cependant, une conséquence regrettable, en ce qu'il paralyse Hume pour juger qu'un ensemble d'actions est meilleur qu'un autre.

La "réfutation rationnelle de la rationalité" a été suivie par une explosion d'irrationalité

Il était inévitable qu'une telle auto-réfutation de la rationalité soit suivie par une explosion de foi irrationnelle. La querelle avec Rousseau est symbolique : Rousseau était fou mais il avait de l'influence, Hume était sain d'esprit mais il n'avait pas de disciples.

Les empiristes britanniques qui vinrent après Hume rejetèrent son scepticisme sans le réfuter ; Rousseau et ses disciples étaient d'accord avec Hume qu'aucune croyance n'était fondée sur la raison, mais ils pensaient que le coeur était supérieur à la raison. Et ils laissèrent la voie du coeur les conduire à des convictions très différentes de celles que Hume avait en pratique.

Les philosophes allemands, de Kant à Hegel, n'avaient pas assimilé les arguments de Hume. Je dis cela délibérément, en dépit de la croyance que de nombreux philosophes partagent avec Kant, que sa Critique de la Raison pure est une réponse à Hume. En fait, ces philosophes -- en tout cas Kant et Hegel -- représentent une forme pré-humienne de rationalisme, et peuvent être réfutés par des arguments humiens. Les philosophes qui ne peuvent pas être réfutés de cette manière [humienne, "contestant la rationalité de la raison sur des bases rationnelles"] sont ceux qui ne prétendent pas être rationnels, comme Rousseau, Schopenhauer, et Nietzsche. La croissance de l'irrationalité tout au long du XIXe siècle et ce qui en est passé au XXe siècle est la conséquence naturelle de la destruction de l'empirisme par Hume.

Il est par conséquent important de découvrir s'il y a une quelconque réponse à Hume à l'intérieur du cadre de la philosophie qui soit totalement ou principalement empirique. Si ce n'est pas le cas, il n'y a pas de différence entre la santé mentale et la démence. Le lunatique qui croit qu'il est un oeuf à la coque doit être condamné seulement car il est minoritaire, ou plutôt -- puisque nous devons aussi rejeter la démocratie -- parce que le gouvernement ne partage pas son point de vue. C'est une position désespérante, et il faut souhaiter qu'il y a une voie pour s'en échapper.

Le principe d'induction, rejeté par Hume, est fondamental pour faire de la science

Le scepticisme de Hume repose entièrement sur sa rejection du principe d'induction. [rejection doctrinale, mais pas en pratique...]

[Le principe d'induction, c'est la construction de modèles explicatifs, qui ne sont pas atteints par déduction, mais par construction à tâtons pour qu'on en déduise ce qu'on observe. On n'a pas fait de progrès depuis Ockham.

R. déclare que Hume rejette l'induction. Moi j'ai plutôt le sentiment que Hume a encouragé l'induction, mais en disant qu'il ne fallait pas la voir comme une déduction rationnelle incontestable.

En d'autres termes, à mon avis, Hume a fait du bien à la science. Mais il a aussi encouragé le Romantisme qui est le père du totalitarisme, comme nous le verrons dans le seconde partie du Livre III.

Voilà pourquoi trois siècles après Hume on vit encore dans le conflit entre rationalité et émotion. Ce sont les émotions non pas de philosophes mais de l'opinion publique, qui le plus irrationnel, puéril et dangereux des êtres.]

Le principe d'induction, tel qu'appliqué à la causalité, dit que, si on a observé très fréquemment A accompagné ou suivi de B, et on n'a jamais vu A non accompagné ou suivi par B, alors il est probable que la prochaine fois qu'on verra A on verra en même temps ou peu après B.

[Ce principe est excellent, et tout le monde l'applique avec profit, scientifiques comme hommes de tous les jours. Mais il ne faut pas attendre une démonstration de sa justesse.]

Si le principe est correct, un nombre suffisant d'exemples où on a vu A et B doit rendre la probabilité de la prochaine conjonction pas éloignée de la certitude. Si ce principe, et tout autre principe dont il découlerait, est vrai, alors les inférences causales que Hume rejette sont en fait valides. Il ne donne pas la certitude absolue, mais suffisamment de certitude [comme le soleil se lèvera demain matin] pour être adopté en pratique.

[Noter comme on est toujours, sous des oripeaux de "philosophiques", dans une conversation de Café du Commerce.]

Si ce principe n'est pas correct, alors toutes les tentatives pour arriver à des lois scientifiques générales à partir d'observation sont vouées à l'échec. Et le scepticisme de Hume est incontournable pour un empiriste.

Le principe lui-même ne peut, bien sûr, pas sans circularité être inféré à partir de l'observation d'uniformités, puisque il est requis pour justifier ces inférences. Il doit donc être, ou être déduit de, un principe indépendant qui n'est pas basé sur l'expérience.

En cela, on peut dire que Hume a démontré que le pur empirisme n'est pas suffisant pour faire de la science [Le "pur empirisme" doute de tout, et rejette en quelque sorte tout savoir. Mais pour le scientifique et l'homme raisonnable, il faut aussi le credo du principe d'Ockham : "on va faire les hypothèses les plus simples possibles, à partir des observations, pour parvenir à un modèle qui expliquera ces observations."]

Mais si ce principe est admis, tout le reste peut en découler en accord avec la théorie que toute notre connaissance est fondée sur l'expérience.

Il faut reconnaître qu'il s'agit d'un écart important par rapport au pur empirisme, et ceux qui ne sont pas empiristes peuvent demander pourquoi une exception est autorisée, et les autres non.

Ce sont, cependant, des questions que Hume n'a pas abordées directement dans son argumentation. Ce que son argumentation prouve -- et je ne pense pas qu'on puisse contester cette conséquences de la doctrine de Hume -- est que l'induction est un principe logique indépendant, qui ne peut pas être lui-même inféré [ou démontré] que ce soit par l'expérience ou par un autre principe.

Et sans le principe d'induction [rejeté par les empiristes radicaux ou fondamentalistes] aucune science n'est possible.