Tiens,

j'ai expliqué aux enfants que je préférais les contes folkloriques aux bandes dessinées modernes, car ces dernières donnent des représentations caricaturales de la société, en particulier des femmes, alors que les contes contiennent souvent, même sous une forme fantasmagorique, des vérités profondes et instructives. C'est pour ça que la sagesse populaire les a retenus.

Par exemple les livres de Caroline montre une femme sans homme, méritante à s'occuper d'une petite bande d'animaux sympathiques mais turbulents. Elle est aussi orientée vers son propre plaisir. V. l'a bien compris, et m'a expliqué que Tom Tom et Nana avait dès le deuxième numéro introduit Nana, après un premier numéro où Tom Tom était seul.

"Le petit prince" exalte une vision égocentrée et solitaire du monde, où les autres sont des menaces qu'il faut fuir pour retrouver les vraies valeurs, la spiritualité et la paix de l'âme et du corps. Mais là je ne fais que répéter ce qu'a dit Eugen Drewermann. Il est d'ailleurs de notoriété publique que Saint-Exupéry était un con macho pas même bon pilote.

Astérix ne montre de femmes que des mégères ou des pin-ups, sans doute car Goscinny était marié à une mégère et Uderzo fantasmait sur les pin-ups.

Tintin ne donne le beau rôle qu'à certains hommes, est source de confusion géopolitique profonde pour un jeune esprit mal préparé, et est terriblement raciste envers tout ce qui n'est pas blanc européen occidental. C'est une vieille idée que je t'ai déjà exposée.

Quelles sont les BD modernes qui montrent des vraies femmes, avec un vrai caractère féminin et estimable, telles qu'on voudrait en connaître ?

J'ai été lancé dans toute cette réflexion par F. qui doit lire Madame Bovary, et à qui j'ai dit que c'était très bien, mais sans doute plus facile à comprendre à 45 ans qu'à 15. Mais à cet âge-là on n'est plus à l'école. En outre Emma n'est certainement pas un exemple de la personne avec laquelle on voudrait vivre ! Charles non plus.

Je me suis interrogé sur Harry Potter - que je n'ai pas lu : est-ce que Madame Rowling nous a pondu un ridicule monde de fantasmes personnels où elle règle des comptes avec ses propres histoires, ou bien a-t-elle inventé quelque chose de valeur ?

Je n'ai pas mentionné Disney, qui a pillé le folklore européen pour faire des choses qui tiennent la route, et transmettre en même temps des valeurs américaines d'hégémonie culturelle et d'égocentrisme national.

Est-ce avec des histoires pareilles lues pendant toute sa jeunesse qu'on peut devenir un homme accompli, avec des rapports riches et respectueux envers les femmes ? Qu'est-ce qu'une femme pense de la lecture d'Astérix, trouve-t-elle ça drôle ? Seule une sous-culture peut trouver du mérite à s'exclamer, en entendant César dans une situation quelconque où il est frustré dire "sans commentaire", oh mais c'est une allusion à son oeuvre, comme c'est spirituel !

Ah j'oubliais : la BD qui m'a donné le début de toutes ces idées est Babar quand j'avais 10 ou 12 ans. La vision de l'Afrique, la Vieille Dame, les villes comme des jeux de cubes de style Second Empire baroque, dans des savanes où a été passée la tondeuse à gazon, etc. tout ça m'avait frappé comme étant les bêtises dans la tête des parents Brunhoff qui s'étaient construit une vision particulièrement caricaturale du monde par faiblesse d'esprit, peur d'affronter la vie et besoin d'entraîner les jeunes dans leurs délires débiles. En y pensant, je me demande si le Corbusier n'avait pas trop lu Babar.

> Quant aux contes écrits dans le passé, ne traduisent-ils pas également le contexte de leur époque, ainsi que les fantasmes et obsessions de ceux qui les ont écrits ?
>
> S.


Oui certes. Mais ils représentaient aussi, de manière plus ou moins fantastique, des préoccupations profondes et éternelles des hommes. Ils étaient ainsi formateurs, comme le serait un père qui se demande devant ses enfants comment on va trouver de quoi manger ce soir. Mais pas comme un père qui se demande si Elodie va épouser Michal.

Un best-seller américain intitulé "The Cinderella complex" montrait comme une femme, qui se prenait au fond pour Cendrillon à cause de toute son éducation, avait ensuite du mal à réussir sa vie.

Il faudra écrire "Le complexe de Caroline". C'est un sujet assez vaste : comment la littérature, riche ou trash, nous influence-t-elle profondément et puissamment. Pas seulement la littérature, toutes les représentations dont nous vivons entourés et que nous utilisons sans s'en rendre compte. Parfois elles sont intentionnellement au service de l'intérêt de certains. Parfois elles sont simplement nuisibles sans que personne ne les ait malignement voulues.

A.