L'abbaye du Vignogoul
Le Vignogoul, abbaye de femmes, est remarquablement situé au coeur d'une plaine fertile, bonne à cultiver, entouré de collines couvertes de garrigues et de bois. La plaine est peuplée, comme en témoignent de nombreux vestiges archéologiques, la présence d'une paroisse disparue et du château de Saint-Martin.A peu de distance, une couronne de villages fortifiés : Pignan, Saussan, Lavérune, Saint-Georges, Murviel, hérissent leurs castra (forteresses), leurs remparts et leurs tours, sur de petites buttes. Là-bas, à l'horizon, la grande ville : Montpellier.
On pense naturellement au mot vigne. Ce n'est pas si simple. En fait, les linguistes nous disent que l'origine du mot est inconnue. Cependant, en 1696, les religieuses ont choisi de faire figurer dans leurs armoiries, le sarment et le raisin. L'étymologie populaire s'est imposée.
La première mention de ce lieu, comme siège d'une communauté religieuse, date de 1150, sous la dénomination de Notre-Dame de Bon Lieu. Sommes-nous là, à l'origine du prieuré ? Sa création pourrait être bien antérieure. Jean Segondy suggère de la faire remonter aux années de l'épiscopat de Galtier (1104-1128), voire à celui du grand Arnaud (1048-1078).
Une communauté monastique qui change de règles
A l'origine, le monastère est placé sous la juridiction de l'évêque de Maguelone, avec une règle probablement bénédictine. Il passe sous l'obédience de Cîteaux en 1178. Il dépend alors de l'abbaye de Valmagne sise à quelque 25 km de là. En 1259, le monastère devient une abbaye. La nouvelle supérieure, Guillaumette Daudé, prend alors le titre d'abesse. La maison va garder cette appellation jusqu'à sa disparition en 1791.
Un grand développement au XIII° siècle
L'abbaye a pris de l'importance, sous la direction de la prieure Elisabeth d'Alignan (1243-1256). Elle poursuit la politique de rassemblement des terres de ses devancières, mène l'exploitation de main de maître, fait faire de grands travaux d'irrigation, construire des digues et des moulins. Grâce aux dots des religieuses, mais aussi aux dons, legs ou achats, L'abbaye possède des terres de culture et de dépaissance, sur un vaste territoire de Cournonterral à Vailhauquès.
Le XIVe et le début du XVe siècles conjuguent divers fléaux : peste noire, guerre de Cent Ans, ravages des grandes compagnies et enfin la famine. S'ensuivent appauvrissement, récoltes gâchées, vols, pillages et destructions. Les religieuses sont obligées de fuir et de vagabonder. En 1437, la communauté a tellement fondu que le Pape Eugène IV rattache les dernières soeurs aux Prouillanes dominicaines, de Montpellier.
En 1446 elles vont retrouver leur indépendance. La prospérité renaît. L'abbesse, Marguerite Alamand, fait exhausser la nef de l'église, telle que nous la voyons aujourd'hui.
L'installation à Montpellier (1683)
Les guerres de religion causent à nouveau aux moniales de sérieux
ennuis. Finalement, elles décident, en 1683, de s'installer à
Montpellier, dans l'Hôtel de Rignac, pas très loin de l'actuelle
église des Dominicains. Pourquoi
ce départ ? On a avancé leur éloignement de la ville, les
obstacles mis au recrutement, les troubles incessants. A
Montpellier, elles gardent leur règle, mais "s'embourgeoisent".
Elles reçoivent quelques jeunes filles pour les instruire de la religion
catholique - 4 en 1790 -.
A cette date, les religieuses
ne sont pas très nombreuses. Elles ne sont que cinq, plus une tourière.
Mais la communauté est relativement jeune : quatre d'entre elles ont
entre 25 et 42 ans, moyenne d'âge 42 ans .Il y a encore un espoir de survie.
Mais la nationalisation des biens du clergé va provoquer leur dispersion.
La liquidation de L'Abbaye (1791)
Le 19 février 1791, les trois grands domaines ruraux que possèdent alors les soeurs à Vailhauquès Grabels et Pignan : La Soucarède, la métairie de la Fenouillède et le Vignogoul sont vendus aux enchères. Ce dernier domaine comprenait 28 hectares en "maisonnage, champs, près et vignes et olivettes" sur Pignan et 11 hectares en devès -zone de pâture- , au terroir de Murviel.
Le Vignogoul est alors, durant un siècle, un centre d'exploitation agricole. Il faut
attendre la fin du XIXe siècle pour voir des religieuses y revenir. Ce
sont les Dominicaines de Prouilles appelées par Mgr de Cabrières.
Arrivées en 1898, elles sont contraintes au départ, en septembre
1901, à la suite des lois sur les associations.
En 1919, l'abbaye restaurée par le P. Charles Prévost en 1913, accueille, pour une durée de
huit ans environ, les Carmélites rentrées de leur exil en Belgique.
C'est alors que Jean Secondy, leur aumônier, écrit l'histoire de
l'abbaye. Mais elles aussi, abandonnent ce lieu pour s'installer à Montpellier.
Vers 1930, arrive une troisième
communauté, les soeurs Franciscaines de Lenne, qui y implantent une maison
d'enfants. L'établissement, sécularisé, a gardé
sa vocation, aujourd'hui encore.
Voilà une page d'histoire qui permet de comprendre le destin de ce monument. Que nous en reste-t-il aujourd'hui ?
Louis Secondy