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Cours de mathématiques de Terminale S

Les nombres complexes

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introduction
invention des fractions, des nombres irrationnels, et des nombres négatifs
besoin encore d'autres nombres : les nombres complexes
notions, représentations et axiomatiques
représentation des nombres complexes: plan d'Argand
multiplication des nombres complexes
module d'un nombre complexe
interprétation géométrique de la multiplication
trigonométrie revisitée : sinus et cosinus d'une somme d'angles
conclusion

 

 

 

Texte

On a déjà fabriqué, pour les besoins du calcul, beaucoup de nouveaux nombres au-delà des nombres entiers naturels : les fractions, les irrationnels, les nombres négatifs. Nous allons maintenant étudier de nouveaux nombres appelés "nombres complexes".

Les nombres entiers naturels sont connus de l'humanité depuis au moins le néolithique : 1, 2, 3, 4, etc. Les Indiens au milieu du premier millénaire après J.-C. leur ont rajouté le 0 comme un nombre à part entière. Les entiers naturels servent à compter. Ils ont aussi une représentation géométrique naturelle : des positions sur une droite.

 

 

 

Les fractions ont été introduites pour que les équations du type   x fois 3 = 7   aient une solution. Elles ont aussi une et même deux représentations naturelles :

l'autre représentation étant avec des parts de tarte. Elles étaient sans doute aussi comprises dès la préhistoire.

 

Au VIe siècle avant J.-C., l'école de Pythagore, située à Crotone dans le sud de l'Italie, a découvert que certaines longueurs dans le plan ne pouvaient pas être mesurées comme un nombre rationnel fois l'unité de longueur choisie. L'exemple classique est la longueur de la diagonale d'un carré qui ne peut pas être exprimée comme n/m fois la longueur du côté, où m et n seraient des entiers. C'est la découverte des nombres irrationnels. La diagonale du carré de côté 1 a pour longueur un nombre noté √2, son carré étant égal à 2.

On peut encore leur donner une représentation naturelle sur la droite. Il faut néanmoins noter qu'on est déjà dans une certaine forme d'abstraction car les fractions "remplissent" très bien toute la droite. Et dire qu'il est évident qu'il manque des points tant qu'on n'a pas rajouté les irrationnels, et qu'ensuite il n'en manque plus, est abusif. (D'ailleurs l'analyse non standard en rajoute encore d'autres.) Ce qui est vrai, c'est que la logique des nombres et des positions dans le plan dit "Euclidien" (une feuille de papier avec un quadrillage) impose de considérer d'autres nombres que les rationnels.

 

Toujours pour les besoins du calcul, entre 1000 et 1500, en même temps que les chiffres arabes et l'algèbre étaient progressivement diffusés en Occident par les moines et par les marchands, on a introduit des nouveaux nombres pour que les équations du type x + 3 = 2 aient une solution. Ce sont les nombres négatifs. Ils ne servent plus à compter le nombre de roses dans un bouquet, mais leur représentation géométrique reste fort simple : des positions sur la droite à gauche du point origine.

La comptabilité en partie-double, qui a été inventée par les marchands du nord de l'Italie au XIIe et XIIIe siècles qui avaient besoin d'exprimer des avoirs et des dettes, a introduit les notions de débit et de crédit (qui sont très proches des nombres positifs et négatifs) avant que les nombres négatifs soient bien acceptés en Occident. C'est pourquoi en comptabilité traditionnelle on n'utilise pas les nombres négatifs. Par exemple, un compte de résultat est présenté avec les ventes dans une colonne, et les coûts dans une autre, et le bénéfice ou la perte dans l'une ou l'autre des deux colonnes.

Les rationnels plus les irrationnels, positifs et négatifs, forment ce qu'on appelle les nombres réels. Leur ensemble est noté ℝ.

 

 

 

Avec la même logique, on a introduit des nouveaux nombres pour que les équations comme x2 + 1 = 0 aient une solution.

Le besoin pour de tels nombres est apparu peu à peu dans les calculs des mathématiciens italiens de la première moitié du XVIe siècle qui cherchaient à résoudre les équations du troisième et du quatrième degré, comme on avait résolu, durant le premier millénaire, celles du second degré.

Pour les équations du second degré, ax2 + bx + c = 0, on savait que le discriminant b2 - 4ac devait être positif ou nul car on a besoin de prendre sa racine carrée. S'il était négatif on considérait simplement qu'il n'y avait pas de solution.

Mais en travaillant (avec des opérations algébriques astucieuses) sur des équations comme par exemple x3 - 15x - 4 = 0, del Ferro, Tartaglia, Cardan et quelques autres, étaient tombés sur des formules telles que

Ce √(-1) apparaissant à gauche, mais finalement disparaissant à droite, était extrêmement étonnant !

 

 

En mathématiques, toutes les notions apparaissent via une de leurs représentations naturelles, généralement géométrique (points, droites, plans, déplacements, volumes, transformations géométriques diverses, etc.). Ce n'est qu'ensuite, peu à peu, qu'on en extrait "la nature", "l'essence", le cadre axiomatique. Un vecteur n'est plus un déplacement - car il n'est pas que cela - mais un élément d'un espace ayant certaines propriétés d'addition et de multiplication par les éléments d'un corps... (voir exemple). Les dénominations mêmes d'addition et de multiplication deviennent alors arbitraires. Il s'agit simplement d'opérations.

Par exception, les nombres complexes sont directement apparus au XVIe siècle à travers une manipulation "contre-nature" : calculer la racine carrée de -1 ; et sans représentation naturelle. C'est la raison pour laquelle ils ont mis tant de temps à être admis comme des "êtres mathématiques" au même titre que les autres. Néanmoins les mathématiciens se sont peu à peu faits à l'idée de travailler avec ce "nombre" noté √(-1), dont le carré est égal à -1.

 

Jusque vers 1800 on a appelé les nombres faisant intervenir √(-1) "nombres imaginaires", avant que Gauss ne les rebaptise "nombres complexes".

Avec le recul du temps, on peut considérer que ces deux dénominations sont regrettables, car on verra que les nombres complexes sont, étonnamment, plutôt plus simples que les nombres réels !

 

Aujourd'hui √(-1) est noté i (dernière trace de l'aspect "imaginaire" des nombres complexes). On a les deux identités suivantes :

Et on appelle "nombres complexes" tous les nombres de la forme a + ib, où a et b sont des nombres réels.

Les règles habituelles de l'algèbre, commutativité, distributivité, s'appliquent à ces nombres. Par exemple

 

 

 

Les nombres complexes a + ib n'ont plus de représentation naturelle sur la droite où étaient logés tous les nombres réels. Ils n'ont même aucune représentation intuitive naturelle, comme l'avaient tous les nombres introduits jusqu'à présent. Ils sont comme on dit "abstraits".

En 1799, le mathématicien danois Caspar Wessel (1745 - 1818) a suggéré d'utiliser une représentation dans le plan quadrillé : à chaque complexe a + ib, on associe tout simplement le point de coordonnées (a, b), ou si l'on préfère le vecteur (a, b). L'article dans lequel il a exposé cette idée est passé inaperçu de la communauté des mathématiciens. Gauss y avait pensé aussi mais ne l'avait pas publié. Le mathématicien Argand (1768 - 1822) a eu la même idée peu après Wessel, et aujourd'hui on parle du "plan d'Argand" pour la représentation dans le plan des nombres complexes.

Par exemple, le nombre complexe 3 + 2i est représenté par le point M ci-dessous :

Tout nombre complexe "z" a une et une seule forme a + ib, avec a et b réels. En effet, si a + ib = c + id, alors (a - c) = i(d - b). D'où (a - c)2 = - (d - b)2, ou encore (a - c)2 + (d - b)2 = 0. Donc a = c, et d = b.

Ce n'est pas comme les fractions où il a fallu considérer toute la classe 1/3, 2/6, 3/9, ..., 17/51, etc. comme un seul et même nombre. Le nombre "a" est appelée la partie réelle de z, et "b" est appelée sa partie imaginaire.

On va voir qu'une partie des propriétés des nombres complexes sont simplement des propriétés banales des vecteurs dans le plan, et d'autres propriétés sont inattendues.

 

Addition des nombres complexes. Soit deux nombres complexes, u = a + ib, et v = c + id. L'addition de u et v, comme toute opération sur deux objets, est une fonction des couples de nombres complexes vers l'ensemble des nombres complexes.

Et on a tout simplement u + v = (a + c) + i(b + d).

Ce n'est rien d'autre, sous une présentation légèrement différente, que l'addition des vecteurs.

 

 

 

Multiplication des nombres complexes. La multiplication des nombres complexes est plus intéressante.

Il s'agit aussi d'une fonction qui à tout couple de nombres complexes associe un troisième nombre complexe. Mais la similitude avec les opérations sur les vecteurs s'arrête là.

Pour les vecteurs on a défini un "produit", nommé "produit scalaire" (voir notre leçon sur le produit scalaire) qui à tout couple de vecteurs associe un nombre réel (c'est-à-dire un "scalaire"). Il existe aussi une autre fonction qui à tout couple de vecteurs associe un troisième vecteur, mais il est dans l'espace à trois dimensions, perpendiculaire aux deux premiers vecteurs. Cette fonction est appelée "produit vectoriel". Elle sert beaucoup en physique, en particulier en mécanique et en électromagnétisme. Ni l'une ni l'autre cependant ne correspond au produit des nombres complexes.

Le produit de 2 nombres complexes, d'un point de vue algébrique, n'a pas de mystère :

mais il a une interprétation géométrique admirable.

 

 

 

Pour étudier l'interprétation géométrique du produit de deux nombres complexes, nous avons besoin d'introduire la notion de module d'un nombre complexe.

Le module de a + ib est défini, et noté avec deux barres verticales, comme suit :

A vrai dire, ce n'est pas une notion d'une nouveauté bouleversante, c'est simplement la norme (c'est-à-dire, la longueur) du vecteur qui va de l'origine au point (a, b).

Vu avec les nombres complexes, ce module a une propriété simple et intéressante. Soit u et v deux nombres complexes. Alors le module du produit uv est égal au produit des modules de u et de v.

Démonstration :

On notera au passage que ça démontre aussi que si deux nombres entiers A et B sont chacun somme de deux carrés (prendre A = a2 + b2 et B = c2 + d2), alors leur produit est aussi un entier somme de deux carrés (ac - bd)2 + (ad + bc)2. C'est une observation qu'avait faite le mathématicien grec Diophante, qui vivait à Alexandrie au nord de l'Egypte au IIIe siècle après J.-C. Quant à nous, nous utilisons cette identité pour des réels positifs quelconques. Mais l'invention des nombres complexes devait attendre encore quelques siècles après Diophante.

 

 

 

Interprétation géométrique de la multiplication de deux nombres complexes.

Regardons la multiplication de m = 3,2 + i0,8 par u = 1,5 + i0,5.

On voit que le produit um, qui est égal à 4,4 + i2,8, a un module plus long que m et fait un angle plus grand avec l'axe des réels.

 

Dans la seconde moitié du XVIe siècle, le mathématicien François Viète (1540 - 1603) étudiait l'identité établie par Diophante. Et il l'interprétait comme une sorte de "produit de triangles rectangles" :

Source : John Stillwell, Yearning for the Impossible, A.K. Peters, Ltd, 2006, page 36.

 

Il s'aperçut et démontra que l'angle en bas à gauche du grand triangle est la somme des angles en bas à gauche des deux petits triangles :

 

Démonstration (avec des méthodes modernes) du résultat de Viète.

Considérons un nombre complexe u quelconque fixé, non nul, et étudions la multiplication par u.

Soit deux nombres complexes n et m. Appelons n' et m' les résultats de la multiplication de n et de m par u. Alors on a montré que

| n' - m' | = | u . (n - m) | = | u | . | n - m |

C'est-à-dire que le vecteur correspondant à n - m est transformé en un vecteur dont la norme a été multipliée par | u |.

 

Regardons le cas où le module de u est 1, ce que l'on note | u | = 1.

Dans ce cas, la transformation dans le plan qui consiste à multiplier par u préserve toutes les distances. De plus le point (0, 0), ou de manière équivalente le nombre complexe 0, reste invariant.

Une transformation qui maintient tout le plan rigide, et un point fixe, est une rotation (combinée éventuellement avec un retournement du plan par une symétrie axiale).

Il est facile de voir ici, en choisissant deux complexes n et m particuliers, qu'il n'y a pas de symétrie axiale, qui inverserait le sens des figures.

Donc la multiplication par u est une rotation autour du point O.

 

Quelle rotation ?

Eh bien, observons que le vecteur (1, 0), qui correspond au nombre complexe 1, est transformé en le vecteur correspondant à u. Donc il s'agit d'une rotation d'un angle égal à l'angle que fait u avec l'axe des réels.

 

Résumé : la multiplication d'un nombre complexe u = a + ib par un autre nombre complexe v = c + id, produit un troisième nombre complexe qui a pour module le produit des modules de u et v, et pour angle avec l'axe des réels la somme des angles avec l'axe des réels de a + ib et de c + id.

 

Cas particuliers :

  1. Quand u = i, la multiplication par u opère une rotation de 90° dans le sens positif (= sens contraire des aiguilles d'une montre) dans le plan d'Argand.
  2. Quand u = 1 + i, la multiplication par u opère une rotation de 45° combinée avec une élongation de √2.

On retrouve en particulier avec plaisir le fait que la multiplication par -1 (qui est aussi deux multiplications par i l'une après l'autre) est une rotation de 180°, comme on l'avait vu en classe de 4e dans la leçon sur les entiers négatifs.

 

 

 

Représentation trigonométrique des nombres complexes.

Soit un nombre complexe u = a + ib.

Notons r son module, et θ l'angle qu'il fait avec l'axe des réels.

Alors on peut aussi écrire

u = r cosθ + i r sinθ

Terminologie :

 

Formules trigonométriques pour la somme de deux angles.

Prenons deux nombres complexes u et v chacun de module 1.

Alors si θ est l'argument de u, et φ l'argument de v, on a

u = cosθ + i sinθ

v = cosφ + i sinφ

On dispose maintenant de deux façons d'écrire le produit de u et v, avec l'algèbre élémentaire des nombres complexes, et avec le résultat de Viète.

Par l'algèbre élémentaire on a

uv = cosθ cosφ - sinθ sinφ + i (cosθ sinφ + sinθ cosφ)

Et par le résultat de Viète on a

uv = cos(θ + φ) + i sin(θ + φ)

 

Donc, en trois coups de cuiller à pot, on a démontré

 

Les nombres complexes simplifieront considérablement

  1. la géométrie, comme on vient de le voir
  2. l'algèbre ; par exemple l'équation ax2 + bx + c = 0 a toujours deux solutions, et on n'a plus à se soucier de discriminant...
  3. l'étude des fonctions et l'analyse ; on verra que les fonctions z -> f(z) de l'ensemble ℂ des nombres complexes vers ℂ, même si elles sont plus difficiles à visualiser, sont plutôt plus simples que les fonctions de ℝ vers ℝ.
  4. ils sont aussi fondamentaux en physique quantique où les états d'un système sont des éléments d'un espace vectoriel sur le corps des complexes.

Et bien d'autres merveilles nous attendent dans les années qui viennent.

 

Exercices :

 

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